Psy-Cause a été fondée en 1995 par Jean-Paul Bossuat, psychiatre des hôpitaux à Avignon, et Thierry Lavergne, psychiatre des hôpitaux à Aix en Provence, pour promouvoir la théorisation de la pratique de terrain en santé mentale, et contribue aujourd’hui à faire savoir les savoir-faire des psy du monde entier

C’était le 1° congrès de Psy Cause, le 23 mai 1997

01-Couv1La numérisation du N°8/9 de la revue Psy Cause (avril à septembre 1997) paru en octobre 1997, est en cours : c’est un long travail puisque ce numéro double comporte 148 pages ! Il devrait être accessible sur le site dans notre rubrique « Anciens numéros » courant avril prochain. Ce numéro 8/9 a la particularité d’être consacré à la publication des actes de notre premier congrès Psy Cause qui se déroulait dans la salle de spectacle du Centre Hospitalier de Montfavet (Avignon) le 23 mai 1997. Ce numéro est un document historique car il nous donne un état des lieux, il y a 18 ans, des acteurs et de leurs centres d’intérêt au niveau des deux établissements psychiatriques qui constituaient alors, pour l’essentiel, l’aire de diffusion de la revue : à Avignon, le Centre Hospitalier de Montfavet, à Aix en Provence, le Centre Hospitalier Montperrin (avec, en plus, un certain nombre de contacts dans les divers établissements de Marseille). La revue Psy Cause avait sorti son N°1 deux années auparavant. Deux groupes rédactionnels se réunissaient chaque mois en parallèle, l’un à Avignon (animé par le Dr Jean Paul Bossuat) et l’autre à Aix en Provence (animé par le Dr Thierry Lavergne). Près de deux cent personnes s’étaient déplacées pour participer à ce congrès dont le thème était : « Itinéraires de psychotiques ».

 

02-1er-congres-1Dans ce numéro 8/9, le Dr Jean Paul Bossuat, directeur de la revue et médecin chef du secteur Chateaurenard-Saint Rémy de Provence, écrit en éditorial : « en juillet 1995, sortait le N°1 de Psy Cause : un modeste polycopié à vocation locale mais dont l’adhésion immédiate des lecteurs fut déterminante pour la suite (…). Il s’agissait pour nous de créer un support à une communication de proximité, entre des individus de plus en plus enfermés dans des isolats (pour reprendre un terme cher à Lucien Bonnafé), c’est à dire favoriser un 03-1er-congres-Psy-Cause-2dialogue entre institutions, secteurs, corporations professionnelles, modes d’exercice. » Le Dr Thierry Lavergne, rédacteur en chef de la revue et praticien hospitalier au Centre Hospitalier Montperrin, présente ainsi dans ce numéro le premier congrès de Psy Cause : « l’idée de ce colloque s’est construite (…) lors d’échanges autour des articles que nous recevions et d’après les témoignages de nos lecteurs (…). La psychiatrie est née à l’asile là où le corps social mettait ses fous pour les protéger et se protéger. La deuxième moitié du XXème siècle a été consacrée à les en faire sortir et à tenter de les faire accepter par le corps social. En même temps, par chance, par héritage de la psychanalyse, grâce à la découverte de psychotropes puissants, la frontière entre le normal et le pathologique devenait de plus en plus floue. Et à la fin du siècle, nous y sommes, « l’avenir n’est plus ce qu’il était » (Paul Valéry). Cette fin de siècle correspond à l’achèvement du mouvement de désaliénation, et à la généralisation de la politique de secteur. Un des bilans de cette épopée héroïque passe par l’itinéraire social du fou. Un autre bilan de cette épopée est le haut niveau de conceptualisation et sa banalisation. (…) Une vraie rencontre avec le fou, ça dérange, et ça motive à se former. (…) Faire du soin nécessite un savoir-faire, donc du faire et du savoir. (…) Tout soignant se frotte au savoir et aux théories multiples qui soutiennent la psychiatrie. Et plus ou moins consciemment, il en arrive à conceptualiser une théorie de la pratique (Lantéri-Laura). (…) En publiant les actes du premier colloque régional de Psy Cause, nous proposons à ces savoir-faire, de se faire savoir et de se sauvegarder. »

 

Les actes du congrès regroupent dans ce numéro 8/9 pas moins de quinze communications que nous allons les évoquer dans l’ordre de leur publication.

 

Le Dr Moïse Benadiba ouvre le dossier sur les conceptions talmudiques de la folie. Pédopsychiatre 04-Congres-d'Aix--Benadiba-5_6_98médecin chef à l’Hôpital Valvert de Marseille, il conclut son exposé en comparant la parole de Jacques Lacan et celle du « Zohar ». Jacques Lacan déclare : « l’être de l’homme, non seulement ne peut être compris sans la folie, mais il ne serait pas l’être de l’homme s’il ne portait en lui la folie comme limite de sa liberté ». Ce qui fait écho à cette parole du « Zohar » : « Qui veut apprendre un chapitre de Sagesse précède son étude par un chapitre de Folie afin d’apprendre par là un chapitre de Sagesse ». Les conceptions talmudiques de la folie font apparaître que sagesse et folie ne sont pas sans liens étroits. Le Talmud constate ainsi que depuis la destruction du Temple de Jérusalem, la prophétie a quitté l’homme normal et ne se trouve que chez les fous et les enfants.

 

 

 

 

 

 

 

Suit une autre communication d’un auteur pédopsychiatre, sur l’intégration scolaire des psychotiques. La Dr Marie Pierre Lavergne, elle aussi pédopsychiatre à Marseille (Intersecteur 05-Marie-Pierre-LavergneMarseille 16ème, les Pennes Mirabeau, La Gavotte), étudie les questions soulevées par la scolarisation d’enfants atteints de troubles psychiques graves ou de déficit sensoriel ou moteur, dans un milieu qualifié de normal, que l’on appelle intégration scolaire. Cette intégration « est la manifestation au niveau du système éducatif, d’une volonté politique plus générale dont l’objectif final est l’intégration des handicapés dans la société, l’école ordinaire étant le premier passage obligé pour faciliter l’intégration sociale future de l’enfant handicapé. » Sur le secteur où exerce la Dr Marie Pierre Lavergne, sont concernés 66 enfants répartis dans 27 écoles, pour moitié des écoles maternelles et pour moitié des écoles élémentaires. La réussite de l’intégration n’est pas une affaire qui va de soi, navigant entre les écueils : découragement de l’enseignant, processus de stigmatisation. Le stigmatisé doit effectuer un effort pour se présenter comme quelqu’un d’ordinaire sans pour autant dissimuler sa déficience. L’enfant doit pouvoir vivre sans dommage psychique la confrontation à un espace autre que thérapeutique. Cela nécessite un accompagnement assez lourd. Et quand, de surcroit, s’ajoute un problème de différence culturelle, l’intégration ne fonctionne pas.

 

Une équipe d’une unité de soins du Centre Hospitalier de Montfavet (secteur du nord du Vaucluse), avec comme auteur principal la psychologue Mme Paulette Baussan, raconte l’« itinerrance » d’un 06-Paulette-Baussanpatient, récit qui démarre ainsi : « Il était une fois, sur la Nationale 7, un Petit Poucet venu de Valencia en Espagne… C’était en 1987, dans un petit village du 7ème secteur de psychiatrie du Vaucluse, que celui que nous appellerons S. fut laissé par ses parents à la responsabilité d’une famille française. Le Petit Poucet avait déjà fait un long chemin depuis sa naissance. De père espagnol et de mère grecque, S. a passé la plus grande partie de sa courte vie (il a 21 ans) entre l’Espagne et la Suisse. Poussée par le désespoir de l’inadéquation des soins dispensés à son fils en Espagne, la mère du Petit Poucet s’est adressée à la France, terre de liberté et de référence culturelle à ses yeux. Elle y a déposé son enfant. S. se retrouve seul, abandonné, sans sa famille, et loin de ses multiples racines. Au fil de sa dérive, S. arrive en Avignon et est amené au psychiatre le plus proche qui pose un diagnostic d’état délirant aigu, et porte une indication d’hospitalisation dans le service du Dr Paul Court (…). » L’équipe qui a rédigé cette communication, exerce en 1997 dans une unité spécialisée dans la prise en charge des jeunes psychotiques. Cette unité, peu de temps après le congrès, sera extériorisée dans le centre d’Avignon avant d’être fermée pour des raisons budgétaires à l’occasion de la nouvelle organisation administrative en pôles, environ une dizaine d’années plus tard.

 

La Dr Sophie Sauzade, à l’époque de ce premier congrès de Psy Cause, vient d’être mutée au Centre Hospitalier de Martigues. Elle communique sur son expérience des placements thérapeutiques en Centre d’Aide par le Travail (CAT) dans le cadre du Centre Hospitalier de Digne. Son propos débute 07-Sauzade-11_7_96ainsi : « Les placements thérapeutiques chez l’employeur ou contrats d’ergothérapie existent à l’hôpital de Digne depuis une dizaine d’années et ont fait l’objet d’un précédent article dans Psy Cause N°5. Il s’agit de placements, en milieu ordinaire de travail, de patients suivis en hôpitaux de jour, placements qui s’effectuent de quelques heures à plusieurs jours par semaine selon l’indication thérapeutique. Parallèlement, se sont développés des contrats d’ergothérapie ou placements thérapeutiques en Centre d’Aide par le Travail et en atelier protégé. Il s’agit là aussi de placements allant de quelques heures à plusieurs jours par semaine. Il s’agit de patients soit hospitalisés à plein temps, soit en hôpitaux de jour, soit en placements familiaux. L’hôpital reverse l’équivalent d’un prix de journée au CAT où est compris le repas de midi si besoin ; le patient touche l’équivalent d’un pécule, une fois par semaine, donné par le CAT. » La Dr Sophie Sauzade ajoute que les placements thérapeutiques en CAT concernent les mêmes patients que ceux en placement chez l’employeur, quoique généralement atteints d’une psychose plus déficitaire. Elle signale un coup d’arrêt récent des placements thérapeutiques chez l’employeur en milieu ordinaire de par un refus de la Direction du Travail.

 

Une infirmière exerçant en maison de retraite, Mme Anouk Marion, et trois médecins du secteur Chateaurenard-Saint Rémy de Provence (Centre Hospitalier de Montfavet, médecin chef en 1997 : Dr Jean Paul Bossuat), communiquent sur les psychotiques en maison de retraite. Le Dr Olivier Fossard 08-1er-congres-Psy-Cause-3(aujourd’hui médecin chef de ce secteur) est en 1997 médecin généraliste attaché et responsable de la psychogériatrie du secteur, il consule régulièrement en maison de retraite. Il évoque ce que représente le diagnostic de psychose pour un médecin généraliste : la gestion de l’impact du diagnostic pour le patient et son entourage, l’interaction au cœur des polypathologies du sujet âgé, le repérage de l’ancienneté de ce diagnostic. Il parle de l’importance de l’implication des infirmières psy dans le soin du psychotique en maison de retraite. Le Dr Claude Miens, psychiatre praticien hospitalier du secteur, responsable du CMP de Saint Rémy de Provence, évoque son expérience de terrain en maison de retraite et en CMP. Le Dr Christian Mirandol, psychiatre praticien hospitalier responsable de l’unité d’hospitalisation du secteur, évoque la question de l’hospitalisation des psychotiques en lien avec leur séjour en maison de retraite.

 

Le Dr André Salomon Cohen, psychiatre praticien hospitalier responsable de l’unité de gérontopsychiatrie de Vaison la Romaine (secteur du nord du Vaucluse, Centre Hospitalier de Montfavet), coordonne la communication à plusieurs voix de l’équipe pluridisciplinaire de ce lieu de soin, sous le titre : itinéraire d’un psychotique âgé. Cet article met en évidence le poids de la maladie 09-Cohendans la destinée. Le Dr André Salomon Cohen introduit ce travail par un propos poétique : « Le temps ne fait rien à l’affaire, inexorablement à chaque moment, la réalité psychique joue sa partition. Le chef d’orchestre agite ses grands bras dans le vide. Il avait donné le tempo avec sa baguette. Mais, voilà déjà qu’il est emporté par le rythme endiablé de la musique. Il ne sait pas qui regarder : chacun des solistes de l’orchestre ? Les notes qui s’enchaînent une à une en synchronie sur plusieurs portées ? Et l’heure qui tourne … C’est une gageure de jouer les chefs d’orchestre d’une équipe de psychiatrie où la singularité par essence domine. Mais, quand la partition est écrite à partir du discours d’un psychotique, alors là, c’est franchement une folie. » Il évoque ensuite dans son introduction ce lieu de soin dont il est le chef d’orchestre : « Donc, le Soustet, lieu de passage entre la souffrance psychotique et quelque chose qui vise à l’accomplissement du sujet. »

 

 

 

 

 

Suit une autre communication qui traite sensiblement de la même question : « Vincent reste, les médecins passent. Trente ans plus tard Basile ». La Dr Emmanuelle Dermenghem, médecin 10-Saint-Albanassistant dans le Centre Hospitalier Montperrin à Aix en Provence, analyse le déterminisme existentiel de deux trajectoires psychotiques dont les itinéraires thérapeutiques se dessinent dans l’idéologie soignante de deux époques mais dont le point de départ et le point d’arrivée sont identiques. Une leçon de modestie pour le psychiatre, en quelque sorte. Elle débute ainsi son propos : « Mais voici Vincent que j’ai rencontré en octobre 1994 à Saint Alban. Il aura bientôt 60 ans et cela fait 30 ans qu’il vit à Saint Alban sur Limagnole où il est hospitalisé pour une schizophrénie hébéphréno-catatonique ; 60 ans, l’âge de la retraite. Mais prend-on sa retraite de schizophrène ? Serait-on tenté de dire tant Vincent semble jouer loyalement son rôle de schizophrène depuis plus de 30 ans. Son attitude courbée, son air accablé, ses arrêts en milieu de route, sur le chemin de la cantine, ses blocages sur le pas d’une porte que l’on voudrait fermer, son ambivalence paralysante, sa parole hachée, saccadée, son jeu verbal continu, ses vociférations fatigantes, ses grimaces théâtrales lorsqu’on lui demande de se taire, son négativisme, ses plaintes corporelles délabrantes, son destin qui ne tient pas, son rire parfois aussi… Je crois pouvoir affirmer que Vincent a marqué (et peut-être séduit) les nombreux médecins qui l’ont rencontré… moi la première ! »

 

La Dr Emmanuelle Dermenghem raconte la trajectoire de ce patient et en imagine une autre de nos jours… avec un final identique et conclut : « autrefois, il y avait l’ergothérapie, le travail thérapeutique dont certains ont dit qu’il était une exploitation bien pensante des malades mentaux ? C’était aussi l’hôpital village, l’hôpital dans le village, la psychothérapie institutionnelle (avec Saint Alban comme phare). Maintenant, on prime la réinsertion dans le monde du travail…, à défaut c’est l’assistance par AAH, censée permettre l’insertion sociale. Vincent et Basile ont ils été privés par leur destin de schizophrène de leur propre histoire, voire de l’Histoire des peuples ? L’itinéraire d’un psychotique suit finalement l’évolution de la société et cela n’est bien sûr pas critiquable. Mais il s’agit bien d’un itinéraire pré-établi. Est-il possible de sortir des rails institués pour les psychotiques ? … sortir du sillon ? … délirer ? »

 

Suivent deux communications sur les soins en extrahospitalier à temps partiel. Une équipe du secteur de Châteaurenard-Saint Rémy de Provence (Centre Hospitalier de Montfavet) présente un travail, coordonné par le Dr Jean Paul Bossuat, sur la prise en charge des psychotiques dans un CATTP sans locaux. Le point de ralliement des patients est chaque matin le minibus stationné devant la mairie de Châteaurenard. Les activités se déroulent dans des lieux non spécifiques de la ville. Une équipe de l’hôpital de jour pédopsychiatrique de Campagne Lévèque (Marseille, Centre Hospitalier Edouard Toulouse) évoque la prise en charge d’un enfant psychotique qui présente une agressivité clastique : cette observation « reflète l’itinéraire singulier d’un enfant psychotique rejeté de l’école, rejeté par sa famille, exclu des établissements spécialisés pour troubles du comportement, qui nous a conduit à modifier notre prise en charge, à évoluer avec lui malgré des contre-transferts souvent négatifs, ce qui semble avoir ouvert le champ à des possibilités d’évolution. »

 

L’itinéraire des psychotiques en prison, thème de la communication suivante, nous fait visiter le 11-Beaumettescadre particulier du soin dans l’univers carcéral. Deux psychiatres praticiens hospitaliers, les Drs Gilles Azas et Pascale Giravalli, ainsi qu’un infirmier psychiatrique, Mr Daniel Bonniface, exercent dans le Secteur Médico-psychologique Régional de Marseille installé dans la Maison d’arrêt des Beaumettes. Ils introduisent ainsi leur exposé : « il s’agit bien d’une équipe soignante qui travaille dans une institution psychiatrique comme tant d’autres… ce qui fait sans doute notre particularité, c’est le lieu : la prison, un lieu particulier pour une rencontre particulière… Un lieu particulier où la parole est empêchée… Le travail, notre travail, est d’aider à la faire circuler (…). Le SMPR de Marseille est à la fois un lieu d’hospitalisation et de prise en charge ambulatoire. Il est situé au sein de la détention. (…) Parmi les principaux motifs de signalement, il faut noter que bien souvent ce sont les conduites d’opposition au fonctionnement carcéral qui sont signalées au détriment d’aspects moins bruyants comme les aspects déficitaires de la psychose qui, eux, seront de fait sous évalués. » Les auteurs présentent deux histoires cliniques. La première est celle de Mr M., maghrébin d’origine, de nationalité française et âgé de 24 ans. La rencontre avec la justice a eu lieu dès l’adolescence pour des vols et des bagarres. Il présente dès l’âge de 16 ans un épisode hallucinatoire. À partir de l’âge de 20 ans, se succèdent des condamnations principalement pour vol… ainsi que les séjours au SMPR. Le second cas clinique est Mr A. qui a assassiné son cousin toxicomane qui le rackettait. Dès le début de son emprisonnement, apparaît un état délirant et dissociatif majeur qui justifie une hospitalisation continue au SMPR toute la durée de la peine, c’est à dire durant 6 années. Les auteurs insistent sur le fait qu’en règle générale, leur travail en prison ne peut se faire sans la complémentarité d’une équipe de surveillants pénitentiaires.

 

La Dr Huguette Ferré, psychiatre praticien hospitalier, communique sur sa pratique de l’enveloppement thérapeutique humide (pack) au Centre Hospitalier de Montfavet, associant des 12-Ferré-6.6.09paramédicaux à sa réflexion, à propos d’un cas clinique (Nadia). Cette patiente présente une forme sévère de schizophrénie. La dissociation de la pensée, la tendance aux passages à l’acte, à l’automutilation, l’instabilité font qu’il n’a pas été encore possible d’envisager une sortie de l’hôpital. L’enveloppement humide, nous dit la Dr Huguette Ferré, « a permis de mettre en place un espace pour écouter la patiente et essayer d’échanger avec elle. Elle nous a dit sa détresse, sa difficulté de vivre. (…) La prise en charge de Nadia a questionné les soignants, Nadia a été au centre du conflit et surtout l’objet du désir des soignants. L’institution a réussi à la protéger contre ses pulsions de mort, et en maintenant l’espace du pack, nous avons pu soutenir ce questionnement. Par là, Nadia a pu sortir de l’impasse et reprendre goût à la vie. »

 

 

 

 

 

 

Deux soignants du Centre Hospitalier de Montfavet, Mr Daniel Vigne, psychomotricien dans un secteur de psychiatrie adulte, et Mr André Bouillet, kinésithérapeute, communiquent sur la prise en charge de psychotiques au hammam de l’hôpital. Ils écrivent : « Les soins au hammam existent au Centre 13-Grisoni-VigneHospitalier de Montfavet depuis 1992. Ils constituent une approche hydrothérapique psychocorporelle originale, un soin destiné aux personnes souffrant de troubles psychiques. (…) La palette d’action du psychomotricien et du kinésithérapeute, considérablement enrichie ces dernières années de par l’évolution technique et conceptuelle de ces deux disciplines, les amènent, et ce, quelle que soit l’orientation de leur pratique, à intervenir de plus en plus souvent auprès de patients psychotiques. (…) Pour nous, la relation entre le sujet et le thérapeute, étayée par le mode sensoriel, se révèle comme un lieu de rencontre : odeurs, sons, goûts, touchers, regards y participent et en interaction viennent les mots. »

 

Mr Bernard Petit est le cadre infirmier supérieur de la Fédération Accueil, Urgences, Psychiatrie de liaison du Centre Hospitalier Montperrin d’Aix en Provence. Sa communication « Itinéraire de patient », interroge l’impact des mots sur la compréhension du psychotique : « Les mots et les 14-Petit-22_6_01hommes sont comme les hommes eux mêmes, susceptibles de nomadisme. Au gré de ses pérégrinations, le chemin latin iter s’est transformé en itinéraire et en errance, aujourd’hui pourvus chacun de deux sens différents qui nous permettent d’éclairer nos conceptions de l’accompagnement du patient. De la quête du Graal jamais achevée à Ulysse qui trouvera le chemin du retour en passant par Ahasver le juif errant symbole de la condition humaine, il est question de chemin à parcourir, d’espace, mais aussi de temps : doit-on presser le patient ? » Mr Bernard Petit conclut son exposé par une pensée d’E. Lévinas dans l’ouvrage intitulé « Humanisme de l’autre homme » : « Le retour à soi se fait détour interminable. » Il s’est, entre autre, interrogé sur la solitude du patient dans son itinéraire. Par sa présence active, le soignant peut alléger la souffrance du soigné, la partager. Mais la douleur n’est jamais assumée que par celui qui l’éprouve. Certes, cependant ce n’est pas une raison pour ne pas considérer le patient comme un semblable qu’on ne peut laisser souffrir seul dans sa condition commune à tous les hommes.

 

L’avant dernier texte des actes de ce premier congrès de Psy Cause a été coordonné par la Dr Joëlle Arduin, et est élaboré « à partir du brain storming du groupe avignonnais de CLEFS (Collectif de Liaison et d’Echanges sur les Familles et les Systèmes). » Le titre de la communication est : « Le concept à l’épreuve de la réalité. Ancrages et dérives. » Il s’agit de l’abord systémique de la psychose, lequel fait passer du concept de secteur à celui de réseau. Le concept de nœud interrelationnel prend le pas sur celui de cadre relationnel, et « c’est tout le dispositif qui se trouve structurellement décalé. »

 

Le dossier s’achève par une communication sur le diagnostic de schizophrénie. Nous ne savions pas 15-Jean-Louis-Gautierà l’époque de la mise en forme de ce numéro, que l’auteur, le Dr Jean Louis Gauthier, psychiatre assistant dans le Centre Hospitalier de Montfavet, apprécié de tous et très engagé dans Psy Cause, allait décéder quelques semaines plus tard d’un tragique accident de la route. C’est donc avec émotion que nous clôturons ce compte rendu par une évocation, à valeur d’hommage, de son travail que nous résumerons à son avant propos : « Mon itinéraire m’a amené tardivement à la psychiatrie. Enfant, adolescent, jeune homme, père de famille, j’étais très fréquemment malade et très souvent bien obligé de me soumettre à la « médecine ». Dans ce contexte où je la « pratiquais » beaucoup avant même de l’étudier, la lecture d’un livre, « la médecine de la personne », de Paul Tournier, m’a beaucoup apporté. Pendant 9 ans, dans le cadre du ministère de l’agriculture, j’ai soigné les plantes malades… J’ai ensuite été médecin généraliste. Puis, après trois années sabbatiques, j’ai entrepris des études de psychiatrie. Tel est donc l’itinéraire personnel qui m’a conduit un jour à rencontrer des patients en tant que spécialiste du traitement des troubles mentaux. Je résumerai mon propos au vaste monde des schizophrènes. »

 

Jean Paul Bossuat

Écrire les chiffres et les lettres apparus ci-dessous, dans le rectangle en dessous