Psy-Cause a été fondée en 1995 par Jean-Paul Bossuat, psychiatre des hôpitaux à Avignon, et Thierry Lavergne, psychiatre des hôpitaux à Aix en Provence, pour promouvoir la théorisation de la pratique de terrain en santé mentale, et contribue aujourd’hui à faire savoir les savoir-faire des psy du monde entier

Hommage au Pr Mathieu Tognidé

Le 17 septembre 2015, l’association béninoise de psychiatrie informait le président de Psy Cause international : « Le département de Santé Mentale FSS/UAC, le Centre National Hospitalier Universitaire de psychiatrie de Cotonou (CNHUP) et l’association béninoise de psychiatrie, ont le profond regret de vous annoncer le décès du Docteur TOGNIDE C. Mathieu, Professeur titulaire de psychiatrie et directeur du CNHUP, le dimanche 13 Septembre 2015 au CNHU de Cotonou des suites d’une courte maladie. » Le Pr Mathieu Tognidé est à l’origine de la vocation internationale de la revue Psy Cause. L’ensemble de l’équipe de Psy Cause est conscient de ce que nous lui devons et cet hommage vient en témoignage de notre reconnaissance.

 

01-MathieuTognideNous entrons en lien avec lui au début des années 2000 à la demande du Pr René Gualbert Ahyi, alors seul professeur de psychiatrie du Bénin et soutenu par une action de coopération du Centre Hospitalier de Montfavet (Avignon) alors siège social de Psy Cause. Le Pr René Gualbert Ahyi avait sollicité l’aide de la revue Psy Cause pour la publication d’articles contribuant à un programme de création d’un groupe d’universitaires dans son pays. En commençant par le Dr Mathieu Tognidé appelé à lui succéder et à assurer la relève. Suivent des articles de ce dernier (« Orientation et suivi des suicidants au CHNU-HKM de Cotonou » dans le N°37 (2004), « Difficulté d’accès à l’individuation du Noir africain » dans le N°40/41 (2005), puis deux textes dans le N°42 (2005) : « Besoin de prise en charge psychosociale des personnes vivant avec le VIH/Sida à Cotonou » et « Profil épidémiologique des élèves et étudiants toxicomanes de Cotonou »). À la fin du premier trimestre 2006, le Dr Mathieu Tognidé est nommé professeur de psychiatrie. C’est en cette année 2006, que nous prenons la décision d’un congrès Psy Cause au Bénin en 2008. De concert, Mme Monique Wagner (membre de Psy Cause, investie au Centre Hospitalier de Montfavet dans le programme de coopération avec le Bénin) et le Professeur Mathieu Tognidé vont piloter le projet.

 

Le Dr Mathieu Tognidé écrivait en 2005 dans la revue Psy Cause, dans son article à propos des difficultés d’individuation du Noir africain : « au vu des normes culturelles, du développement de la personnalité et des perturbations psychiques rencontrées chez le noir africain dans notre petite expérience, l’autonomisation de soi n’est pas nécessairement un mode de socialisation de l’Africain pétri dans sa culture négro-africaine. Ainsi les psychothérapies individuelles prônant comme valeur impérative l’individuation de l’être humain ont souvent moins d’impacts sur le Noir Africain. » Il ajoutait : « il serait adéquat que toute psychothérapie puisse considérer l’Africain dans sa totalité et dans son écologie. C’est la prise en charge holistique des troubles psychiques de l’être humain. Ce modèle qui n’est pas centré exclusivement sur l’individu ressemble à celui de la thérapie traditionnelle où la cure met toujours en jeu l’écoute familiale étendue, le voisinage et souvent le village dans sa totalité et son unité. »

 

Cette méthodologie conceptuelle qui considère le sujet en terme de positionnement dans un espace écologique, est celle que nous avons rencontrée dix années plus tard à Montréal dans nos discussions le 22 septembre dernier avec le rédacteur en chef de la revue Santé mentale au Québec (le Pr Jean Caron) ou prônée par notre rédacteur montréalais Jean Dominique Leccia, spécialiste de la prise en charge des Amérindiens Mohawks.

 

02-afficheDu 11 au 13 février 2008, c’est en partenariat avec la toute jeune université de Parakou (au centre du Bénin), que se déroule notre premier congrès en Afrique subsaharienne francophone, co-organisé par la revue Psy Cause et l’université de cette ville. Au niveau de la participation, il est paritaire entre les spécialistes venus de France et du Canada (40) et ceux d’Afrique subsaharienne venus du Bénin, du Burkina Faso, de Côte d’Ivoire, du Niger et du Togo (40). Le thème de ce congrès est « Pratiques psychiatriques, références, classifications : la place de l’Afrique ». Le Pr Mathieu Tognidé a joué un rôle important dans le choix de ce thème, faisant preuve d’un esprit visionnaire puisque, quelques années plus tard, le DSM V intègrera les spécificités culturelles. Il écrit dans les actes du congrès de Parakou publiés au premier trimestre 2009 dans le N°53 de Psy Cause (page 18), avec les co-auteurs Grégoire Magloire Gansou, René Gualbert Ahyi et Joziane Houngbé Ezin : « la perception et l’expression d’un symptôme vont dépendre de l’existence d’une connaissance antérieure, laquelle connaissance reste toujours sous influence socioculturelle. »

 

Au premier semestre 2010, le Pr Mathieu Tognidé obtient du Conseil Africain et Malgache de l’Enseignement Supérieur (CAMES), l’accréditation de la revue Psy Cause. À partir du dernier trimestre 2010, l’équipe rédactionnelle de Psy Cause est restructurée avec la constitution d’un comité de rédaction francophone dont les membres échangent via internet et dont les propositions sont reprises lors des réunions au siège de la revue à Avignon. En cette même année 2010, notre revue publie un dossier spécial Bénin dont un article du Pr Mathieu Tognidé intitulé « Relativité culturelle du symptôme en pathologie mentale et la classification psychiatrique », Psy Cause N°58, pages 27-31. Ce dernier y écrit (page 27) : « le statut sur la nosologie dans le discours psychiatrique a constamment évolué en fonction même de la place de celui-ci dans le contexte socio-culturel. C’est là toute l’ambiguïté des différentes classifications qui nous amènent à nous poser cette question fondamentale de la scientificité des classifications ou du mythe de celles-ci en pratique psychiatrique. »

 

05-Mathieu-Tognide-4.2.14C’est en février 2014, que le rédacteur de cet hommage rencontre pour la dernière fois le Pr Mathieu Tognidé (rencontre émouvante après les 6 années écoulées depuis le congrès de Parakou). C’est dans la capitale du Burkina Faso, à Ouagadougou, à l’occasion du premier congrès de la SASM (Société Africaine de Santé Mentale) « Transitions et psychopathologie ». Il participe au vote à l’unanimité d’un partenariat de la SASM avec Psy Cause. Il évoque avec le président de Psy Cause International son intérêt pour la mise en place d’une entité « Psy Cause Bénin ».

 

05-roger-ARSEAUne vingtaine de jours avant son décès (le 23 août 2015), nous mettons en ligne sur notre site un texte sur la pratique de l’art-thérapie dans le Centre National Hospitalier Universitaire psychiatrique Jacquot de Cotonou dont il est le directeur. Il nous a été transmis par l’un de ses élèves, le Dr Memegnon Awohouedji qui est un médecin béninois en seconde année de spécialité en psychiatrie (DES) à l’université d’Abomey. Dans un courriel en date du 9 août 2015, il écrit au directeur de la revue Psy Cause : « Au cours de mon stage dans le Centre National Hospitalier Universitaire Psychiatrique de Cotonou du Professeur TOGNIDE Mathieu, j’ai participé à l’atelier de réinsertion sociale et d’expression artistique. L’intérêt que j’y porte a suscité cet article en pièce jointe sous la direction du Professeur TOGNIDE que je soumets à votre appréciation en vue d’une publication. »

 

La mémoire du Pr Mathieu Tognidé demeurera présente parmi nous et nous inspirera dans nos développements à venir.

 

Jean Paul Bossuat

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2 Commentaires

  1. Le décès subit de Mathieu m’a affecté ainsi que Monique
    Lors de notre dernière rencontre en janvier à Cotonou il insistait pour que je me réconcilie avec “psycause” !
    Un universitaire-medecin-directeur-d’asile est chose rare
    Sa démarche était prometteuse pour la psychiatrie du Benin
    Je constate que sa disparition a eu peu d’écho hormis cet hommage de Psycause .Par delà notre différend j’en remercie Jean-Paul Bossuat
    Pierre Evrard

  2. Merci à la revue psychose pour ces hommage rendue à mon père le professeur TOGNIDE MATHIEU… grosse perte surtout pour moi qui t’admirait tant et qui voulait que tu soit présent lors de ma soutenance de thèse en doctorat et plus tard fait comme toi et pourquoi pas par plus…mais je ferais vraiment tout pour que tu soit fière de moi malgrer ton absence physique..merci encore à psychose…