Psy-Cause a été fondée en 1995 par Jean-Paul Bossuat, psychiatre des hôpitaux à Avignon, et Thierry Lavergne, psychiatre des hôpitaux à Aix en Provence, pour promouvoir la théorisation de la pratique de terrain en santé mentale, et contribue aujourd’hui à faire savoir les savoir-faire des psy du monde entier

Journal du congrès d’Ottawa : carnet N°1

1-Bus-Air-France-18.9.13Ces carnets ont pour objet d’offrir aux lecteurs du site de Psy Cause, un récit au jour le jour, des derniers préparatifs avant le congrès qui se déroulera à Ottawa et Montebello du 4 au 6 octobre 2013, ainsi que du congrès lui-même. Ce récit est celui du directeur de la revue Psy Cause, co-président du comité d’organisation du congrès avec le Pr Raymond Tempier, psychiatre consultant à l’hôpital Montfort d’Ottawa, lieu des deux premières journées du colloque.

 

Le premier contact avec la terre canadienne commence dans le bus Air France, de l’aéroport de Montréal jusqu’à Ottawa. Ces 200 Km d’autoroute nous font découvrir un nouveau Canada avec sa végétation flamboyante sous le soleil radieux du début de l’été indien. Il y a bien deux Canadas, celui de l’hiver (voir les carnets de repérage N°1 et 2 dans ce site) d’une blancheur immaculée et celui luxuriant de l’été.

 

2-hotel Gatineau-19.9.13La réception à l’hôtel « Four Points » de Gatineau est très courtoise. Cet établissement typiquement québécois est situé juste en face du fameux musée des civilisations, quasiment en bordure de la « Rivière des Outaouais ». Cette « rivière » est un large fleuve frontière entre la ville québécoise francophone, Gatineau, et l’ontarienne Ottawa, capitale de la Confédération canadienne où l’Anglais domine à 80%. Le Four Points sera un point de ralliement puisqu’il va héberger les professionnels venus de France et des congressistes canadiens. Notre revue (et association) ayant pour but de permettre à des psys de « causer » en Français, ce choix d’un hôtel situé en vue du parlement confédéral édifié sur l’autre rive de la rivière, est symboliquement pertinent. Il se loge bien dans le signifiant premier qui nous motive.

 

3-parlement Gatineau-19.9.13Nous ne pouvons que recommander la promenade à quelques mètres de l’hôtel, en contrebas du musée des civilisations, au fil de l’eau. La vue sur le centre d’Ottawa, le parlement, la cour suprême, y est un vrai régal. La Confédération canadienne ambitionne de faire de cet espace urbain Ottawa/Gatineau un modèle de bilinguisme anglais/français. Mais dans la réalité, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.

 

Notre démarche : faire un colloque dans les locaux d’un hôpital dédié à la communauté francophone d’Ottawa, l’hôpital Montfort, est bien plus chargée de sens pour une revue francophone internationale, que de localiser nos travaux à Montréal par exemple, ce qui aurait été autrement plus aisé au niveau de l’organisation. Depuis les premiers temps de Psy Cause, il a existé parmi nous un esprit militant, ce qui a fait dire que Psy Cause n’est pas seulement une revue mais aussi un mouvement. Cette interprétation avait été reprise par le Pr Raymond Tempier lors de notre congrès à Siem Reap au Cambodge. C’est ainsi que nous avons été amenés à décliner notre fonctionnement associatif en branches nationales. Ce congrès d’Ottawa devrait être concomitant de la création de « Psy Cause Canada », société scientifique regroupant des psys francophones du Québec bien entendu, mais également de l’Ontario, du Nouveau Brunswick, et de l’ensemble du Canada. De plus les psys francophones de Psy Cause ne sont pas obligatoirement des psys dont le Français est la langue première, mais des psys qui font le choix de s’exprimer en Français.

 

4-cours d'eau Gatineau-19.9.13L’environnement immédiat de l’hôtel Four Points ne se limite pas au rivage de la Rivière des Outaouais car, comme dans l’ensemble de l’agglomération d’Ottawa, on y trouve des coins sauvages en plein milieu des ensembles d’immeubles et d’ouvrages routiers. Ainsi, une promenade pédestre entre l’hôtel et les « Galeries d’Hull », le principal centre commercial de Gatineau, enjambe un improbable petit cours d’eau dans lequel barbotent paisiblement des canards. L’espace ne manque pas et la ville est à la fois très aérée et peu polluée.

 

5-Bureau-Montfort-20.9.13La journée du 20 septembre est consacrée au travail à l’hôpital Montfort. Les deux co-présidents du comité d’organisation font le point sur la situation logistique. Il y a un programme chargé à accomplir encore car des questions telles que les buffets à l’hôpital Montfort ne sont pas finalisées. Le programme scientifique est encore évolutif. Notons la contribution de pas moins d’une vingtaine d’intervenants canadiens, une implication très forte à Montréal et une présence amérindienne très significative. Beaucoup de travail, donc, en perspective dans les deux semaines à venir.

 

6-Drapeau-Montfort-20.9.13En sortant de cette séance de travail dans le bureau du Pr Raymond Tempier, nous prenons le temps de visiter un monument commémoratif situé devant l’entrée de l’hôpital, dénommé « monument de la francophonie » et dominé par un mât sur duquel flotte en berne le drapeau vert et blanc frappé de la fleur de lys de la communauté ontarienne francophone, en berne suite un grave accident de car à un passage à niveau, qui a endeuillé la population d’Ottawa. En ce lieu, nous sommes au cœur du sujet de notre colloque dont le thème est « Minorités culturelles et santé mentale ».

 

Une plaque commémorative y raconte un épisode de l’histoire de cet hôpital francophone pour lequel la population concernée s’était mobilisée :

 

« Le 24 février 1997, la Commission de restructuration des services de santé de l’Ontario recommande la fermeture de Montfort. La réaction de la communauté francophone est immédiate et on rejette en bloc la fermeture du seul hôpital universitaire francophone de l’Ontario. Un branle-bas de combat s’ensuit. Sous la direction de Michelle de Courville Nicol, présidente du conseil d’administration de l’Hôpital, Gisèle Lalonde, anciennement maire de Vanier, et de Gérald Savoie, président-directeur général de l’hôpital, la communauté s’engage dans une lutte en règle.

Sous la direction de Gisèle Lalonde, un mouvement de solidarité S.O.S. Montfort voit le jour. Sa devise « Montfort fermé ? Jamais ! » retentit à travers la province et rassemble la communauté franco-ontarienne. Le 22 mars 1997, 10 000 francophones et francophiles se réunissent au Centre municipal d’Ottawa pour manifester leur appui à la sauvegarde de l’Hôpital Montfort. Les discours enflamment la foule qui brandit des milliers de drapeaux franco-ontariens. Ce drapeau devient un puissant outil de sensibilisation, un symbole de la lutte de Montfort et de la population franco-ontarienne.

S.O.S. Montfort décide de combattre la recommandation  de la Commission en engageant une poursuite judiciaire. De nombreux événements se succèdent, au fil des mois et des années : création du « fonds de résistance » constitué pour payer les coûts du recours en justice, lettres d’appui, signature d’une pétition par 125 000 personnes, chaine humaine, des briques pour Montfort… Le mouvement S.O.S. Montfort a également obtenu des appuis importants des forces vives de la francophonie canadienne.

Le 7 décembre 2001, la Cour d’appel de l’Ontario confirme le jugement de la Cour divisionnaire du 29 novembre 1999. Elle conclut que « le rôle institutionnel plus large de Montfort comprend notamment celui de maintenir la langue française, de transmettre la culture francophone et de favoriser la solidarité au sein de la minorité franco-ontarienne. » En plus de donner toute sa force à la Loi sur les services en français, le jugement déclare que cette Loi est quasi constitutionnelle, c’est-à-dire qu’elle prédomine sur toutes les lois adoptées par l’Assemblée législative, et il donne à Montfort et à la communauté des leviers juridiques et historiques.

Le grand ralliement du 22 mars 1997 demeure un événement marquant pour l’ensemble de la communauté franco-ontarienne, qui témoigne ainsi de son acharnement et de son ardeur à défendre ses droits. Le mouvement S.O.S. Montfort a permis de regrouper les personnes d’expression française de l’Ontario autour d’une cause commune. L’événement a profondément marqué l’histoire des Franco-Ontariens et restera à jamais gravé dans la mémoire collective de cette communauté. La rue menant à l’Hôpital a d’ailleurs été rebaptisée l’avenue du 22 mars pour souligner cet événement historique. »

 

7-Stele-Montfort-20.9.13Une autre plaque signale tous ceux qui ont contribué par leurs dons à l’édification de l’Hôpital Montfort, les « Bâtisseurs », parmi lesquels relevons le Pr Issack Biyong, membre de notre comité scientifique, et un intervenant dans notre congrès, le Docteur en psychologie Jean Philippe Daoust directeur clinique et de recherche, qui exerce dans la Clinique trauma et psychiatrie transculturelle fondée par le Pr Issack Biyong.

 

Ce monument de la francophonie est un lieu de mémoire pour tous les professionnels soignants ou administratifs qui exercent dans un hôpital qui n’existe que par le combat de toute une communauté.

 

Jean Paul Bossuat

Écrire les chiffres et les lettres apparus ci-dessous, dans le rectangle en dessous