Psy-Cause a été fondée en 1995 par Jean-Paul Bossuat, psychiatre des hôpitaux à Avignon, et Thierry Lavergne, psychiatre des hôpitaux à Aix en Provence, pour promouvoir la théorisation de la pratique de terrain en santé mentale, et contribue aujourd’hui à faire savoir les savoir-faire des psy du monde entier

Premier séminaire de Psy Cause Cameroun

01-Tchadien-1Comme tous les troisièmes dimanche de chaque mois, les « Psycausiens » du Cameroun se sont encore réunis le 18 août 2013 dernier dans le cadre du lancement de leur premier séminaire de réflexion sur des thématiques variées. La veille, les étudiants Tchadiens membres de psycause Cameroun sont passés dire au revoir au Coordinateur tout en discutant sur la nécessité de créer Psy Cause Tchad. Ce projet est porté par M. Anouar Mahamat, étudiant à l’Université Bengono Touré de Yaoundé.

 

02-Tchadien-2Victor Dok-Soné, quant à lui, également étudiant à l’Université Bengono Touré de Yaoundé, pense que c’est une erreur pour eux de rester à l’écart des activités instructives de ce laboratoire et qu’il est temps de profiter le plus possible des prestations de ce cadre de travail de recherche.

 

03-LucasAprès la prière dite par Jocelin Doumtsop, la réunion mensuelle est présidée par Lucas Youmbi qui à remercié les invités qui avaient honoré de leur présence la réunion anniversaire du 21 juillet dernier. Il est heureux de savoir que, malgré nos nombreuses occupations,  nous nous mobilisons pour mener des échanges intellectuels fructueux dans les domaines des sciences sociales et médicales qui sont à l’évidence très riches et font appel à de nombreux champs d’activité. Lucas Youmbi rappelle aux uns et aux autres que Psy Cause Cameroun est en ce moment à Yaoundé, le lieu de référence par excellence où un chercheur peut mener dans de très bonnes conditions ses recherches. La question de la santé qui est au centre des réflexions à Psy Cause Cameroun s’étale alors sur les dimensions sociale, culturelle, éducative et environnementale. D’après cet orateur, il est nécessaire de comprendre l’impact des facteurs sociaux et culturels sur la santé et les comportements, et finalement sur la prise ne charge des patients afin de fournir des soins centrés sur les besoins du malade. Il exhorte les chercheurs et les étudiants camerounais présents à profiter de l’encadrement académique qu’offre Psy Cause Cameroun, tout en insistant qu’il faut « passer le message » aux autres. Cela va sans dire que de nombreux étudiants abandonnent leurs cursus universitaire en cycle de recherche faute de suivi, d’encadrement et c’est ainsi que des enfants brillants sont découragés, désorientés, décourager et se versent dans les activités informelles pour ceux qui n’ont pas les moyens d’aller en Europe. Pour lui, l’initiative de Psy Cause Cameroun est à encourager et il interpelle par ricochet les âmes sensibles à agir pour une cause si noble et si juste. Il terminera son propos sur le renouvellement des inscriptions pour les anciens et même les nouveaux afin que les infrastructures s’améliorent davantage.

 

 

Le Coordinateur National de Psy Cause Cameroun, le Dr Ndonko Peguy, prend la parole pour introduire les travaux de recherches en cours au laboratoire, mais qui sont susceptible de présentation, de discussion et de débat avant publication. Il s’agit de thématiques suivantes :

  • L’infertilité des couples, itinéraires thérapeutiques et psychothérapie.
  • Le phénomène des enfants sorciers à Yaoundé.
  • Le recours aux soins en milieu rural sud.

 

 

L’infertilité des couples, itinéraires thérapeutiques et psychothérapie

 

04-TchokoteLe Dr Ndonko Peguy et Emilie Tchokoté présentent le travail au public. Les auteurs définissent l’infertilité comme l’incapacité d’un couple de concevoir après deux ans d’essais de conception sans moyen de contraception, malgré les rapports sexuels fréquents. Il y a lieu de voir cette incapacité sur le plan réel et fantasmatique de devenir parent et l’impossibilité de partager le bonheur en jouant les rôles parentaux. Il existe au sein de la population, une grande variabilité dans les degrés de fertilité, allant de couples hyper fertiles (pouvant procréer très facilement) aux couples infertiles ou stériles (qui ne peuvent procréer sans assistance médicale). Ce travail traite de plusieurs cas. D’abord le cas d’un couple infécond qui, après 8 ans de mariage, finit par donner naissance à deux enfants par la méthode d’insémination. Il aborde également les cas des femmes devenues infécondes à la suite d’une IVG dans leur tendre jeunesse et enfin le cas d’une femme devenue enceinte après 4 ans de mariage à partir des traitements locaux. Il est question de retracer le vécu de ce couple, de ces femmes en lien avec les difficultés d’ordre psychopathologique et culturelle qui surgissent et perturbe l’équilibre psychique des sujets singuliers ainsi que la dynamique relationnelle des couples. Les approches anthropologique et psychopathologique sont interrogées pour comprendre et penser une prise en charge dans une perspective systémique.

 

En Afrique, le vœu de la majorité des familles est de voir leur fille aller en mariage. C’est le cas de cette femme de 40 ans, Madame X… qui, depuis son mariage, a passée le meilleur moment avec son mari, une étape pleine d’amour, de passion et d’émotion comme elle le dit elle-même jusqu’au jour où l’idée est venue de porter un questionnement sur le nombre d’année déjà passé dans le mariage sans enfant. Le couple connaît une stérilité pathologique. En effet, les analyses médicales attestent que l’homme ne peut féconder parce qu’il a une azoospermie sévère, c’est-à-dire l’absence de spermatozoïde dans le liquide spermatique. On distingue alors une azoospermie sécrétoire correspondant à l’absence de formation des éléments de la lignée germinale et une azoospermie excrétoire en relation avec une involution de la lignée germinale à la suite d’une obstruction sur les voies excrétrices du sperme (canal déférent, vésicule séminale, cordon spermatique, fosse naviculaire). Elle peut être sévère avec présence d’une leucospermie ou d’une nécrospermie. Le spermatozoïde présentera alors des anomalies au niveau de la numération, de la vitalité et de la mobilité tandis que les caractères généraux peuvent être normaux. L’analyse des trompes de la femme montre qu’elles sont fluides et qu’elle ne présente aucun problème de procréation.

Après plusieurs essais de fécondation sans succès, le couple commence à se faire des idées sur leur situation. La femme continue néanmoins à supporter son mari malgré les menaces, les injures contre elle provenant de la belle-famille. Les conflits sont latents ou apparents. L’homme accuse la femme et réciproquement.

Les multiples recours thérapeutiques sans succès vont obliger ce couple à opter finalement pour un contrat reproductif : l’insémination (opération qui consiste à introduire médicalement du sperme dans l’appareil génital de la femelle pour permettre la fécondation). L’insémination n’est pas la seule technique de procréation connue à l’heure actuelle. On parle aussi de la fécondation in vitro toute regroupée sous le nom de PMA. La technique de l’insémination permit à ce couple d’avoir deux enfants de sexe différents qui seront bien portant au moment de l’enquête comme nous confirme Mme X… « Les enfants se portent bien Docteur. Mon mari s’occupe bien d’eux, il fait tout ce qu’un père doit faire aux enfants. J’ai toujours mal à la tête parce que je réfléchis, j’ai même fouillé dans les affaires de mon mari pour lire sur le cancer, je croyais que j’avais un cancer du cerveau. Mon problème c’est que j’ai le sentiment que je veux quelque chose, qui sera difficile à avoir. Je cherche la possibilité d’avoir un enfant… »  On peut se demander quelle est cette femme qui a besoin d’un enfant alors qu’elle en a déjà deux ? En effet, les deux enfants sont nés à l’issue d’une insémination et au cours de laquelle la femme n’a pas connu de plaisir sexuel. Les spermatozoïdes humains d’un homme quelconque dont elle ne connait ni l’identité, ni l’origine ethnique ont été déposés dans son vagin et ont donné lieu à une fécondation. Notons qu’au-delà de la relation conjugale, le couple fait face au poids du secret notamment dans la relation parentale. Le lien de parenté ayant connu une rupture dans la lignée paternelle pose ainsi le problème de l’introjection de l’objet sur un mode fantasmatique (enfant réel, enfant imaginaire, enfant du « dehors » au « dedans »), ainsi que les qualités inhérentes à ces objets. À cela s’ajoutent les troubles de l’identification qui peuvent se lire chez les conjoints  pris singulièrement, dans le sens où on peut observer une difficulté chez le sujet d’assimilation d’un aspect, d’une propriété ou d’un attribut chez cet autre enfant. L’identification centripète et hétéropathique (Laplanche et Pontilis : 2002) semble connaître des perturbations du fait de la difficulté pour le sujet (parent) d’identifier sa personne propre a une autre (enfant). L’identification idiopathique et centrifuge sont aussi déformées du fait que le sujet identifie l’autre (enfant) à sa personne propre. Cet acte a même été répété avec l’aval du mari, mais sans qu’il ne soit là pour accomplir l’acte de procréation réel qui est le rapport sexuel devant aboutir au coït. Marcela Iacub (2002) pense pourtant que « tout a été prévu selon un plan minutieux et sophistiqué afin que l’enfant né des nouvelles technologies soit rattaché, comme l’effet à la cause, à un acte sexuel de ses parents et ce sans qu’aucune trace visible puisse révéler que cet acte n’a jamais eu lieu ». Ce ne fut pas le cas chez ce couple et c’est à partir de ce moment que commencent les souffrances de cette femme qui finira par consulter un psychiatre. La situation que connait Mme X… semble induire des cognitions négatives et une « dépression inachevée » et une « dépression  essentielle », accès sur les aspects cognitifs. Il s’agit d’une pure dépression en ce qu’elle se caractérise par une chute du tonus libidinal sans compensation économique positive, sans expression symptomatique bruyante associant une souffrance psychique, un sentiment d’infériorité, un sentiment inconscient de culpabilité ou encore une « douleur morale ». Ceci se perçoit lorsqu’elle dit : « J’ai toujours mal à la tête…cancer du cerveau ». Les troubles du comportement sont observés chez Mme X… (Blessure narcissique, dépression, perturbation identitaire…) dont l’origine se situe au niveau de la quête de l’objet imaginaire. Elle précise que à cet effet que « mon problème c’est que…possibilité d’avoir un enfant ». Mentionnons qu’au-delà de l’enfant réel tel que perçu, il existe chez Mme X…, le désir d’enfant et l’enfant fantasmatique. L’enfant réel étant la présence physique, l’existence  réelle de l’enfant devra coexister simultanément avec l’enfant du désir tel que souhaité à travers le passage à l’acte sexuel traduisant le « désir d’enfant ». On a pu identifier quelques problèmes que pose l’insémination à travers cet article qui sera publié dans un numéro à venir de Psy Cause.

 

05-KumgneLes questions du public sont nombreuses. Mme Pulchérie Tchoualé, très sensible à ce sujet au vu de son attitude pendant la présentation, pense que l’infertilité donne la sueur froide aux couples. Un couple sans enfant n’a pas de vie ni d’histoire.  Pour ce qui est de la quête de la paternité, notre hôte du jour pense que : « les enfants de cette femme  doivent se soumettre à des rites chrétiens  (baptême par immersion par exemple) afin de naître de nouveau ». Dans le même ordre d’idée, M. Louis Kumgné va capter l’attention du public par une question toute aussi embarrassante : l’insémination poserait un problème grave au niveau de la transmission des caractères génétiques en ce sens que le spermatozoïde peut être celui d’un malfaiteur ou d’un criminel et ainsi on peut reproduire un mauvais caractère d’une famille et le transmettre à l’enfant. Jocelyn Doumtsop lui emboîte le pas en précisant qu’à l’époque, avant de prendre une fille en mariage, on étudiait d’abord la belle famille pour chercher à savoir si les traits de caractères sont supportables.

 

Le phénomène des enfants sorciers à Yaoundé

 

Les enfants sont en proie à divers maux et les discours portant sur l’enfance à l’échelle mondiale présentent ceux-ci comme des êtres vulnérables, sujets à la maltraitance, volontairement ou par négligence des adultes chez qui ils sont placés. En Afrique en particulier, l’enfant est mis en scène à travers le phénomène de la guerre « enfants soldats », de la sorcellerie « enfants sorciers » et tout récemment du commerce « enfants commerçants ». Qu’est-ce que la sorcellerie ? Comment un enfant peut-il devenir ou devient-il sorcier ? Voilà l’aspect du travail sur lequel l’orateur s’est attardé.  La sorcellerie est un concept complexe en explication et à l’entendement humain. En Afrique, la sorcellerie continue d’occuper une place prépondérante dans la vie des populations et les explications, même si elles varient d’une culture à l’autre, restent construites autour des mêmes repères : le bien et le mal. Il existe dont une sorcellerie du mal, donc négative et une sorcellerie du bien, donc positive. Eric de Rosny (2005) abonde dans le même sens lorsqu’il dit : « ce qu’on appelle couramment sorcellerie fait partie, en réalité d’un système (…) qui comporte un versant maléfique et un versant bénéfique ou contre sorcellerie : une stratégie que se sont donnée les hommes pour gérer avec réalisme la menace permanente du pouvoir de nuire présent en eux ». Ces deux pôles existent dans presque toutes les cultures comme en témoignent les nombreux travaux d’ethnologie, de sociologie, de psychologie et d’histoire que le phénomène de la sorcellerie a suscités. Mais ces travaux n’ont cependant pas levé toutes les difficultés qui s’attachent aussi bien à sa définition, son explication qu’à sa pratique. La sorcellerie est un phénomène essentiellement occulte.

 

06-SorcierLa sorcellerie (sieuh) est la possession par un individu, le sorcier, d’une substance énergétique dépourvue de masse qu’on appelle photon (tog). Cette  substance se comporte comme un polype qui habite le corps humain animé et chargé d’énergie. Le sorcier est capable d’activer ce polype en repos dans son corps et de lui donner des ordres, des indications et des orientations. Le (tog) obéit toujours à son maître. Un individu peut donc choisir d’activer négativement son photon et il ne sera alors capable que du mal. On parlera de sorcier malfaisant et on dira de lui qu’il pratique la sorcellerie négative. Mais s’il active positivement son photon, on dira de lui qu’il est un sorcier bienfaisant qui pratique la sorcellerie positive. Si, aujourd’hui, c’est l’aspect maléfique qui apparaît le plus, on le doit à la dégradation du contrat social où les innocents sont inculpés, les faibles n’ont plus droit à la parole et la sorcellerie négative sert en ce moment de force, de moyen de revendication et de mise en scène d’un pouvoir endormi en l’homme.

 

Le recours aux soins en milieu rural sud-camerounais

 

07-Stéphane-NlateCette étude sera présentée par Stéphane Nlaté, de l’université française de Bordeaux Victor Segalen, en séjour au Cameroun dans le cadre de sa recherche doctorale en anthropologie. Il a été invité par le coordinateur de Psy Cause Cameroun pour présenter son projet de terrain et les premiers résultats de sa descente sur le terrain à Sangmélima. Selon lui, le paludisme est l’un des principaux problèmes de santé publique menaçant le développement des pays les plus pauvres et le bien-être des populations. L’Afrique au sud du Sahara est la plus concernée par ce problème en ce sens que l’immense majorité (90%) des décès dus au paludisme y survient. Dans cette partie du continent, on reconnaît aujourd’hui que, le paludisme est à la fois une maladie due à la pauvreté et une cause de pauvreté (OMS/RBM, 2001). Il contribue au processus d’épuisement des capitaux des ménages et de perte de revenu et fait donc baisser la consommation de ceux-ci.

Au Cameroun, les statistiques sanitaires des enquêtes démographiques de santé et à indicateurs multiples (EDS-MICS 2011 : 188) montrent que les groupes les plus vulnérables sont les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans. Ainsi, le paludisme est responsable de 24% du total des décès dans les formations sanitaires, de 40% à 45% des consultations médicales et de 30% des hospitalisations. Par ailleurs, il est aussi responsable de 52% des consultations chez les enfants de moins de cinq ans victimes d’un cas grave ou simple. Sans oublier qu’il est aussi responsable de 26% des absences en milieu professionnel et de 40% des dépenses de santé des ménages.

A Sangmelima, le paludisme se classe au premier rang des pathologies qui donne « la chair de poule » aux populations. Ce constat a été fait au terme d’une étude menée la même année et compte tenu du fort taux de patients présentant un accès palustre dans son institution  hospitalière. 44,70% est le pourcentage de décès dans la ville de Sangmélima, contrairement à celles des villages dont il est difficile d’avoir des données exactes. En outre, les raisons de fort taux de patients victimes du paludisme sont dues en général aux problèmes d’insalubrité environnementale. S’il y a quelques années auparavant, cette ville était réputée pour sa propreté, aujourd’hui elle est une toute autre réalité. Son décor est aujourd’hui constitué d’éléments favorisant la prolifération des moustiques et surtout des anophèles femelles, notamment les flaques d’eau, les ordures ménagères, l’humidité contenue dans certaines habitations, du fait de la proximité de la forêt et surtout la non utilisation des moustiquaires imprégnées ainsi que des insecticides. Par ailleurs, il faut dire que la pauvreté qui sévit et le manque de moyens financiers favorisent la montée en puissance du paludisme dans cette ville. Le Médecin précise que les populations ont recourt à « l’automédication » avec comme palliatif « la pharmacie du poteau » et que d’autres préfèrent la pharmacopée traditionnelle.

 

Les « Psycausiens » du Cameroun se sont séparés autour d’un Cocktail et ont pris rendez-vous pour septembre 2013.

 

08-CielPéguy Ndonko

Coordinateur de Psy Cause Cameroun

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2 Commentaires

  1. Très intéressant, continuons a faire la différence et débattons purement de la science

  2. Le sujet sur l’infertilité me tue, c comme si on parlait de moi. Je passerais pour la consultation