Psy-Cause a été fondée en 1995 par Jean-Paul Bossuat, psychiatre des hôpitaux à Avignon, et Thierry Lavergne, psychiatre des hôpitaux à Aix en Provence, pour promouvoir la théorisation de la pratique de terrain en santé mentale, et contribue aujourd’hui à faire savoir les savoir-faire des psy du monde entier

Prochaine parution du « Cahier Franco Ontarien » dans le N°71 de la revue Psy Cause

couverture psycause 71Après le Sénégal puis le Japon, notre nouvelle série des numéros quadrimestriels en couleur de la revue Psy Cause propose pour septembre un « Cahier Franco Ontarien ». Nous présentons en avant première aux lecteurs de notre site, le texte introductif de ce dossier, à retrouver dans le N°71. Ce numéro sera ontarien et, de plus, en seconde partie, québécois avec la publication de la conférence du Pr Philippe Jeammet dans le contexte du « bloc » de Psy Cause Canada lors du cinquantième congrès de l’Association des Médecins Psychiatres du Québec (3 juin 2016). Nous présentons ci contre la première page de couverture du N°71 en cours de fabrication, laquelle met à la une ce « Cahier Franco Ontarien ».

 

Rappelons que l’abonnement à la revue Psy Cause peut se faire à présent en ligne sur notre site dans l’onglet « s’abonner » situé sur la barre du haut de la page d’accueil. Nos numéros ne sont accessibles gratuitement en version numérique dans la rubrique « anciens numéros » qu’après un délai d’une année. Le N°68, premier numéro quadrimestriel 2015 et le dernier en noir et blanc, sera publié à la fin de l’été.

 

L’introduction dans le N°71 au dossier franco ontarien :

 

« Le principe de ces « cahiers » est de consacrer une partie du numéro à des articles d’un pays particulièrement mis en valeur. Ici, nous avons rassemblé quatre articles qui nous ont été adressés par des auteurs de la minorité linguistique francophone dans la Province canadienne de l’Ontario et tout particulièrement de la capitale de la Confédération canadienne : Ottawa.

 

02-Ottawa-1.10.13Le recensement de 2011 notait la présence d’un peu moins d’un demi million de francophones sur les presque treize millions d’habitants de l’Ontario. À Ottawa même ce recensement décompte un peu plus de cent quarante mille francophones pour une population de huit cent mille habitants. La minorité francophone ontarienne est d’importance, et très significative pour la Province voisine du Québec avec ses six millions de francophones sur huit millions d’habitants. L’Ontario s’est administrativement déclaré bilingue, ce qui se retrouve au niveau des documents administratifs, des enseignes des magasins et des bâtiments officiels. Dans la vie quotidienne, l’usage possible du français dépend des contextes. Il est donc utile que les services publics soient accessibles aux francophones dans leur langue comme aux autres.

 

À Ottawa, l’Hôpital Montfort est au cœur de cette question. Le drapeau vert et blanc frappé de la fleur de lys flotte à l’entrée de l’établissement de soins. Juste devant un monument commémoratif de la lutte contre la fermeture de cet hôpital francophone, laquelle a mobilisé tant les francophones qui défendaient leur hôpital, que de nombreux anglophones qui refusaient une décision vécue par eux comme un appauvrissement à la fois technique et culturel de leur Province. Le « Monument de la Francophonie », raconte :

 

03-Montfort-20.9.13« Le 24 février 1997, la Commission de restructuration des services de santé de l’Ontario recommande la fermeture de Montfort. La réaction de la communauté francophone est immédiate et on rejette en bloc la fermeture du seul hôpital universitaire francophone de l’Ontario. Un branle-bas de combat s’ensuit. Sous la direction de Michelle de Courville Nicol, présidente du conseil d’administration de l’Hôpital, Gisèle Lalonde, anciennement maire de Vanier, et de Gérald Savoie, président-directeur général de l’hôpital, la communauté s’engage dans une lutte en règle.

Sous la direction de Gisèle Lalonde, un mouvement de solidarité S.O.S. Montfort voit le jour. Sa devise « Montfort fermé ? Jamais ! » retentit à travers la province et rassemble la communauté franco-ontarienne. Le 22 mars 1997, 10 000 francophones et francophiles se réunissent au Centre municipal d’Ottawa pour manifester leur appui à la sauvegarde de l’Hôpital Montfort. Les discours enflamment la foule qui brandit des milliers de drapeaux franco-ontariens. Ce drapeau devient un puissant outil de sensibilisation, un symbole de la lutte de Montfort et de la population franco-ontarienne.

S.O.S. Montfort décide de combattre la recommandation de la Commission de la Commission en engageant une poursuite judiciaire. De nombreux événements se succèdent, au fil des mois et des années : création du « fonds de résistance » constitué pour payer les coûts du recours en justice, lettres d’appui, signature d’une pétition par 125 000 personnes, chaine humaine, des briques pour Montfort… Le mouvement S.O.S. Montfort a également obtenu des appuis importants des forces vives de la francophonie canadienne.

Le 7 décembre 2001, la Cour d’appel de l’Ontario confirme le jugement de la Cour divisionnaire du 29 novembre 1999. Elle conclut que « le rôle institutionnel plus large de Montfort comprend notamment celui de maintenir la langue française, de transmettre la culture francophone et de favoriser la solidarité au sein de la minorité franco-ontarienne. » En plus de donner toute sa force à la Loi sur les services en français, le jugement déclare que cette Loi est quasi constitutionnelle, c’est-à-dire qu’elle prédomine sur toutes les lois adoptées par l’Assemblée législative, et il donne à Montfort et à la communauté des leviers juridiques et historiques.

Le grand ralliement du 22 mars 1997 demeure un événement marquant pour l’ensemble de la communauté franco-ontarienne, qui témoigne ainsi de son acharnement et de son ardeur à défendre ses droits. Le mouvement S.O.S. Montfort a permis de regrouper les personnes d’expression française de l’Ontario autour d’une cause commune. L’événement a profondément marqué l’histoire des Franco-Ontariens et restera à jamais gravé dans la mémoire collective de cette communauté. La rue menant à l’Hôpital a d’ailleurs été rebaptisée l’avenue du 22 mars pour souligner cet événement historique. »

 

04-Av22mars-20.9.13Cet établissement hospitalier emblématique avait été choisi par Psy Cause pour y tenir notre congrès international de 2013. Notre revue s’engageait dans une orientation résolument francophone. Après un congrès au Cambodge en 2012 qui concrétisait les bases de ce nouveau cap, notre équipe, recomposée début 2013 avec ce nouvel objectif, œuvrait avec des professionnels du département de psychiatrie de l’Hôpital Montfort (pleinement CHU depuis juin 2013) pour réaliser une manifestation scientifique ouvrant notre présence en terre canadienne francophone. Montréal soutenait résolument ce projet en la personne des Prs François Borgeat et Emmanuel Stip. Sur place à Ottawa, deux des auteurs dans ce « cahier » franco-ontarien, le psychiatre Raymond Tempier et le psychologue Jean Philippe E Daoust, tous deux professeurs à l’Université d’Ottawa, jouèrent un rôle important dans la réussite de ce congrès par ailleurs soutenu par le Pr Jean Roy, vice doyen de la Faculté de médecine d’Ottawa, directeur du Bureau des Affaires Francophones. Lors de son discours introductif, le directeur de l’Hôpital Universitaire Montfort, le Dr Bernard Leduc, faisait un récit détaillé de la « bataille de Montfort », qui avait mobilisé pendant plusieurs années la communauté franco-ontarienne et les (nombreux) anglophones solidaires de cette dernière. Et concluait : « la recommandation de fermeture de l’hôpital destiné aux soins des francophones en Ontario a été annulée et l’existence de cet établissement est inscrite dans le marbre de la loi. » Il ajoutait que ce n’était pas seulement la question de la francophonie qui avait mobilisé les anglophones, mais aussi le niveau d’excellence des soins prodigués en ce lieu.

 

05-Montfort-psychiatrieLe thème de notre colloque Psy Cause (du 4 au 6 octobre 2013) était « Minorités culturelles et Santé mentale ». L’enjeu de la minorité linguistique est fortement présent parmi les professionnels franco-ontariens de la psy. Près de trois années après notre congrès à l’Hôpital Montfort, quelques articles ont été adressés par des psys de cette communauté à notre revue. Ils constituent ce cahier franco-ontarien pour lequel il n’y a pas eu de consigne thématique. Il est facile de repérer, dans les deux premiers textes, que la problématique linguistique est au premier plan. Tandis que dans les deux suivants, elle est sous jascente. La composition de ce petit dossier ne traduit que le choix d’auteurs de faire appel à une revue francophone internationale pour publier des travaux scientifiques. Ce choix donne un aperçu d’une approche ontarienne francophone pluridisciplinaire de professionnels qui ont en commun d’intervenir ou d’être intervenu à l’Hôpital Montfort.

 

06-Suzanne-TempierPendant ce temps, à Montréal, le 19 septembre 2015, était fondée la section Psy Cause Canada, au sein de laquelle le Pr Raymond Tempier, co-organisateur du congrès Psy Cause d’Ottawa, se proposait alors pour coordonner la dynamique franco-ontarienne. Ce « Cahier Franco Ontarien » en est la première réalisation. Il est un apport précieux dans le cadre d’un projet canadien de Psy Cause qui conjugue des spécificités francophones multiples.

 

 

 

 

 

07-Grenier-2016Le premier article étudie la prévalence de comorbidité entre certaines maladies physiques chroniques et de santé mentale, en prenant compte de la variable linguistique. L’approche statistique épidémiologique met en évidence quelques différences qui semblent principalement en rapport avec des déterminants sociaux plus défavorables dans la minorité francophone. Mais elle pointe une nécessité de développer l’accès au soin dans sa langue : « pouvoir s’exprimer dans la langue de son choix est important non seulement dans le contexte de la santé physique, mais aussi dans le contexte de la santé mentale, spécialement quand les problèmes de santé mentale sont enchevêtrés avec la maladie physique. » L’auteur principal de cet article, Jean Grenier, exerce le métier de psychologue à l’Hôpital Montfort.

 

 

 

 

 

 

08-Matheson-carteLe second article est rédigé par un psychiatre de l’Hôpital Montfort, le Pr Raymond Tempier. Le département de psychiatrie lui confie la tache de « booster la recherche », ce qui comprend celle de « pousser pour des articles », nous a t’il confié. Il effectue des missions de consultations dans le Nord Est de l’Ontario dans les localités voisines de Matheson et de Iroquois Falls situées à mi distance entre les grands lacs et la baie d’Hudson, non loin de l’Abitibi québécois, à un peu moins de mille kilomètres d’Ottawa. Ces missions entrent dans le cadre du « Programme psychiatrique francophone du nord de l’Ontario ». La minorité francophone y est importante à raison de 43% des 5000 habitants d’Iroquois Falls et de 32% des 2400 habitants de Matheson.

 

09-MathesonCette expérience a donné l’idée au Pr Raymond Tempier de rédiger, avec deux autres auteurs concernés par cette question, un article sur l’accès aux services psychiatriques des Franco Ontariens. Ce travail a examiné les contacts de patients francophones hospitalisés avec des psychiatres dans un contexte de soins aigus psychiatriques dans l’ensemble des services psychiatriques de l’Ontario. Il en ressort la mise en évidence d’une « possible inégalité d’accès aux services psychiatriques des Franco-Ontariens. » Les auteurs ajoutent : « le défi politique pour cette province officiellement bilingue est donc de savoir comment assurer un accès équitable à des services de santé mentale pour des Francophones en particulier, lorsque leur nombre est faible. » Ce qui est le cas dans le Nord Est de l’Ontario par exemple.

 

Ces deux premiers articles pointent donc l’intérêt en psychiatrie d’avoir des soins dans sa langue et la nécessité de développer un accès aux soins en langue française dans une Province officiellement bilingue.

 

10-Com-Daoust-4.10.13Les troisième et quatrième articles ont le même auteur principal, un psychologue clinicien qui enseigne à l’université d’Ottawa, le Dr Jean Philippe E Daoust. Le troisième article est une revue de la littérature (71 références en anglais, une seule en français) autour de l’évaluation du Trouble de Stress Post-Traumatique en contexte transculturel. Ecrire en français en Ontario sur cette thématique est en soi une démarche alors qu’il s’agit pour l’évaluateur d’« approcher l’Autre, différent de nous, comme sujet avec son propre système de valeurs, sa propre culture et sa propre réalité. » Le quatrième article est un travail de mise à disposition de la communauté franco ontarienne et plus généralement canadienne française, en langue française, d’un outil développé dans le contexte anglophone : « outil de dépistage pour troubles concomitants : Traduction canadienne-française et études des propriétés psychométriques du Global Appraisal of Individual Needs. »

 

 

 

 

11-Gatineau-2.10.13Au total, ce « cahier » met en valeur, au delà de la réponse à un besoin, l’existence d’une recherche et d’une réflexion clinique en langue française dans le contexte franco ontarien. »

 

Jean Paul Bossuat

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Écrire les chiffres et les lettres apparus ci-dessous, dans le rectangle en dessous