Psy-Cause a été fondée en 1995 par Jean-Paul Bossuat, psychiatre des hôpitaux à Avignon, et Thierry Lavergne, psychiatre des hôpitaux à Aix en Provence, pour promouvoir la théorisation de la pratique de terrain en santé mentale, et contribue aujourd’hui à faire savoir les savoir-faire des psy du monde entier

Psy Cause en Guyane (carnet N°2)

13-CMPILe vendredi 4 mars 2016, le président et la responsable du marketing de Psy Cause International poursuivent, avec les CMP adulte et enfant de Saint Laurent du Maroni, leur visite du pôle de psychiatrie. Ces deux CMP mitoyens sont situés à proximité du centre dans d’anciens logements de gardiens du bagne. Ces logements spacieux sur deux étages et bien ventilés se sont révélés adéquats pour abriter des centres de consultation. Rappelons que l’activité ambulatoire de secteur a précédé de plusieurs années l’implantation de locaux d’hospitalisation. Notre visite commence par un accueil très convivial par l’équipe du CMP pédopsychiatrique.

 

14-Ruchet-Jonah-RakotovazahaC’est dans la salle de réunion du CMP adulte encadrée par les rayonnages des dossiers des patients suivis en ce lieu, que nous faisons la connaissance de la Dr Linette Tédongmo, Psychiatre Chef de Pôle, et du Dr Ruchet Jonah Rakotovazaha, psychiatre au CMP adulte. Ce dernier nous décrit le champ des activités ambulatoires du CMP : les expertises, les consultations psychiatriques avec une part importante de problématiques liées à la consommation des stupéfiants, les visites à domicile, les missions « sur le fleuve » et « sur le littoral ».

 

Les échanges ont mis en évidence un travail original en particulier pour répondre aux 15-secretairedifficultés de populations très variées sur le plan culturel et linguistique. Ils ont également permis de lister des attentes pour améliorer les prises en charge. En particulier sur le plan de l’hébergement des patients suivis en hospitalisation de jour, de l’accroissement du nombre des appartements thérapeutiques, et de l’insuffisance de structures médicosociales de suite pour malades présentant des pathologies chroniques, après leur sortie de l’HTCA.

 

 

 

 

 

16-CMPCi-contre, la façade du CMP de la psychiatrie adulte.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

17-entree-CHOGL’après midi du 4 mars, le Dr Jean Paul Bossuat, accompagné de la Dr Linette Tédongmo, est reçu à la direction du Centre Hospitalier de l’Ouest Guyanais. L’entretien, très constructif, permet aux deux psychiatres de présenter le projet de colloque et à la direction de réfléchir à des solutions logistiques. Nous avons fait état des premières réflexions des équipes quant au thème scientifique, lequel prendrait en compte la spécificité du travail psychiatrique à l’Est du Maroni. C’est à dire la multiplicité des cultures et des langues. Nous évoquons également une descente du Maroni en pirogues par le groupe, afin de lui permettre de s’imprégner de cette diversité.

 

18-CHOGLe CHOG est installé dans des bâtiments administratifs de l’ancien bagne, en particulier dans l’ancienne infirmerie. Il nous sera expliqué après l’entretien que le site va être abandonné en 2018 avec l’achèvement des travaux sur le Site des Sables Blancs. Les bâtiments sont classés monuments historiques et ne seront pas détruits. Les visiteurs curieux d’une tranche d’histoire de la condition humaine en Guyane Française, pourront ainsi dans l’avenir trouver matière à réflexion.

 

 

19-St-JeanLe 5 mars, nous déjeunons et passons une partie de l’après midi avec Mme Marianne Pradem, Docteur en anthropologie sociale (EHESS de Paris), coordinatrice de la Cellule Régionale pour le Mieux-Être des Populations de l’Intérieur (CeRMEPI) basée à Cayenne. La Dr Linette Tédongmo est l’organisatrice de cette rencontre dans un carbet, lequel fait table d’hôte au bord de la route qui relie Saint Laurent du Maroni à Saint Jean, situé à la lisière de la forêt amazonienne. Là aussi, la trace des bagnards est présente avec, dans le terrain attenant, quelques traverses du chemin de fer reliant le bagne de Saint Laurent du Maroni au centre pénitentiaire de Saint Jean installé plus au sud.

 

20-PrademNous sommes six convives autour du repas cuisiné par notre organisatrice : les deux représentants de Psy Cause, deux professionnels du pôle de psychiatrie (la médecin chef de pôle et le cadre de santé de pédopsychiatrie), l’anthropologue accompagnée d’une jeune étudiante en psychologie (Sandrine Badette). Mme Marianne Pradem est actuellement très impliquée dans une mission auprès des Amérindiens du Haut et Moyen Oyapok afin d’amenuiser leur détresse sociale (commune de Camopi-Trois Sauts). Plus largement, la CeRMEPI concerne la détresse sur les fleuves (Maroni et Oyapok). La conversation, riche en anecdotes et expériences personnelles, appuyée par une réflexion inspirée de l’œuvre de Tobie Nathan, nous a ouvert la porte de tout un univers culturel.

 

Mme Marianne Pradem évoque les problèmes d’acculturation rencontrés par les Amérindiens et les mesures gouvernementales pour les protéger. Les réponses apportées ne vont pas de soi : ainsi la sédentarisation est un facteur négatif pour l’équilibre culturel mais, dans le cas d’un peuple du Haut Oyapok qui se réduisait à 42 membres et était en voie d’extinction, l’action sanitaire ainsi rendue possible a permis à cette collectivité de compter aujourd’hui 600 membres. Un autre facteur d’acculturation est le prosélytisme évangélique qui déstabilise les ressources symboliques pour, par exemple, gérer un deuil. Mme Marianne Pradem nous parle également des clichés qui traduisent une méconnaissance du milieu de vie de ces populations. Ainsi, il est un peu court de parler de machisme lorsque dans un sentier de forêt l’homme est devant avec sa machette pour ouvrir le chemin tandis que, derrière lui, son épouse suit avec, sur le dos, un lourd sac de manioc. Parce que, nous dit-elle, c’est la seule solution possible de se déplacer.

 

Notre interlocutrice aborde ensuite la question du multilinguisme en Guyane. Les plus âges (55 ans et plus) parlent un pur français. La génération des 35/55 ans parle le créole. Les 15/35 ans mélangent dans la même phrase le créole, le français, le portugais, etc… Ce qui traduit un mélange des repères, quelque peu inquiétant.

 

21-arbreNous terminerons ce second carnet par une évocation d’une passionnante marche en forêt avec pour guide, Mr Pascal Schindelholz, au cours de la matinée du dimanche 6 mars. Nous y avons découvert toutes sortes d’espèces d’arbres (arbre cathédrale, palétuvier des montagnes…), de plantes, d’animaux, le son des cigales équatoriales et des oiseaux… Nous avons convenu de renouveler cette expérience avec le groupe encadré de spécialistes de l’ONF.

 

Jean Paul Bossuat

Écrire les chiffres et les lettres apparus ci-dessous, dans le rectangle en dessous

2 Commentaires

  1. TRES INTERESSANT ET INSTRUCTIF

  2. Très intéressant et instructif.Merci beaucoup.