Psy-Cause a été fondée en 1995 par Jean-Paul Bossuat, psychiatre des hôpitaux à Avignon, et Thierry Lavergne, psychiatre des hôpitaux à Aix en Provence, pour promouvoir la théorisation de la pratique de terrain en santé mentale, et contribue aujourd’hui à faire savoir les savoir-faire des psy du monde entier

Rochegude III : « Les processus de création ». 9 avril 2016. Volet N°1

01-statuePour la troisième année consécutive, le Dr Jean Louis Griguer, psychiatre chef de pôle à Valence, organise pour Psy Cause une Journée scientifique au château de Rochegude, à la frontière de la Drome et du Vaucluse. Ces journées sont désormais bien repérées comme un temps de rencontre annuel au sein du réseau français de Psy Cause. Elles s’inscrivent dans la continuité des journées annuelles de Psy Cause depuis sa création, la première s’étant déroulée au Centre Hospitalier de Montfavet (Avignon) le 23 mai 1997 (et co-organisée par les Drs Jean Paul Bossuat et Thierry Lavergne). Le 22 octobre 2010, se déroulait à Béziers notre XIVème colloque interrégional, organisé pour Psy Cause par l’infirmier art-thérapeute responsable de l’atelier d’art-thérapie du Centre Hospitalier de cette ville, Mr Jean Louis Aguilar. Le thème était « l’art dans le soin ». Peu de temps après, fut créée à Béziers, par cet organisateur, l’ARAT (Association de Recherche en Art et Thérapie). Un partenariat Psy Cause / ARAT est établi depuis 2011 consistant dans des échanges d’information. C’est lors de la réunion Psy Cause du 12 septembre 2015 à Châteauneuf du Pape, en présence du Dr Jean Louis Griguer, que furent arrêtés les termes d’un partenariat avec l’ARAT au niveau de notre colloque Rochegude III ou XVIIème colloque interrégional.

 

00b-Affiche-Psy-CauseRochegude III est donc une première expérimentation d’un partenariat en France. D’autres sont en cours de réalisation ou envisagées dans d’autres pays : en juin prochain entre Psy Cause Canada et l’AMPQ à Mont Tremblant (Québec), en mars 2017 entre Psy Cause (Psy Cause International + Psy Cause Côte d’Ivoire voire également d’autres sections africaines) et la SASM (Société Africaine de Santé Mentale) dans le cadre d’un atelier à Yamassoukro (Côte d’Ivoire). Les partenariats entre associations sont une source d’enrichissement mutuel. L’objet principal de notre association est le développement de la revue internationale francophone Psy Cause et ces partenariats sont en relation avec celui ci.

 

La participation au colloque Rochegude III, dont l’architecture est coordonnée par Psy Cause sous la houlette du Dr Jean Louis Griguer, ce 9 avril 2016, est réellement « interrégionale » puisque l’origine des participants est d’Aix en Provence, Ardèche, Avignon (et environs : en Vaucluse, Gard et Bouches du Rhône), Béziers, Bordeaux, Colmar, Manosque, Marseille, Montpellier, Nancy, Nantes, Toulon, Toulouse, Valence.

 

En raison du nombre et de la densité des communications, nous nous voyons contraints de répartir le compte rendu de cette journée en plusieurs volets.

 

L’ouverture du colloque est prononcée successivement par le Dr Bossuat, président de Psy Cause International, puis par Mr Jean Louis Aguilar, président de l’ARAT.

 

02-BossuatLe Dr Jean Paul Bossuat souhaite la bienvenue aux participants et reprend les termes de l’argument du colloque. Les processus de création se mettent à l’œuvre tant au niveau du soin, que dans les mécanismes psychopathologiques tels que le délire. Cette approche permet d’appréhender les deux voies principales empruntées dans le travail avec le patient : utiliser l’itinéraire de création d’une œuvre que l’on pourra peut être qualifier « d’art » comme médiation d’une psychothérapie, ou bien créer une œuvre qui sera objet d’une exposition voire d’une vente et qui fera lien social. Entre médiation et suppléance, entre psychothérapie individuelle et psychothérapie institutionnelle, les pratiques soignantes peuvent s’opposer voire se compléter. Le Dr Jean Paul Bossuat explique que tous ces courants sont présents dans Psy Cause. Ce qui correspond aux principes fondateurs de l’association/revue. L’essentiel est que la théorie doit émerger des pratiques de terrain et non l’inverse, ce qui évite bien des débats stériles. Donc aujourd’hui, une place importante sera donnée aux praticiens de terrain.

 

03-AguilarMr Jean Louis Aguilar prend la parole. Il expose la double motivation de sa présence. Tout d’abord parce que la création l’interroge d’avantage que l’art : « les processus de création sont pour moi une pratique de l’extrême. Or cette pratique de l’extrême n’est pas sans risques, le risque majeur étant la confrontation avec la non-existence conduisant au suicide et à la mort. Comment survivre à l’anéantissement de l’être ? Au cours des siècles, bon nombre d’artistes et d’illustres inconnus ont répondu à cette question par la création. La création, avant toute chose, c’est une tentative de survie quand le sujet est confronté à la pire des souffrances : la négation de l’être. Cette expérience de la négation de l’être, nous l’avons connue au cours de notre histoire sous le nom de solution finale. Nous la connaissons encore aujourd’hui dans les camps de concentration, de rétention, les prisons, les asiles, les hôpitaux psychiatriques. » Mr Jean Louis Aguilar poursuit sur le registre de la création comme réponse au manque à être, avec le psychotique pour lequel, la création est une possibilité de se construire une identité, et peut faire suppléance. Il cite le Dr René Pandelon (Centre Hospitalier de Montfavet, Avignon) qui lui a jadis confié que « le psychotique est le fils de son œuvre puisque le signifiant du nom du père est forclos. »

 

La seconde motivation de Mr Jean Louis Aguilar est que « ce colloque est la mise en actes du partenariat entre les associations ARAT et Psy Cause. » Il précise : « j’avais annoncé à Jean Paul Bossuat « quand je serai à la retraite, nous renforcerons les liens entre nos deux associations », c’est chose faite ! Lors de la réunion de Psy Cause le 12 septembre 2015 à Châteauneuf du Pape, l’art-thérapie et la psychothérapie institutionnelle sont apparus être des champs de recherche communs à Psy Cause et à l’ARAT. » Il conclut : « je remercie Jean Paul Bossuat pour son ouverture et sa bienveillance, et il en faut en ces temps troublés, car nous œuvrons tous les deux pour une psychiatrie humaniste. »

 

La séance du matin est présidée par le Dr Jean Louis Griguer.

 

« Psychopathologie de l’expression et art-thérapie » : l’auteur de cette première communication est le Dr Hugues Scharbach, neuro-psychiatre, Docteur en psychologie, ancien chef de service en pédopsychiatrie au CHRU de Nantes, expert psychiatrique. Il communique pour la seconde fois au château de Rochegude : en 2014, à Rochegude I, il nous apportait son éclairage sur les états limites dont il fut l’un des premiers concepteurs en France. Il s’appuie sur une pratique en art-thérapie de plus de vingt années pour nous apporter aujourd’hui son témoignage.

 

04-ScharbachL’intérêt pour les dessins, peintures de malades, nous dit il, remonte à la fin du XIXème siècle avec Tardieu qui, en 1872, dans son « étude médico-légale de la folie » décrit un certain nombre de créations qui, selon ses termes, tiennent du cauchemar et donnent le vertige comme art extraordinaire. Par la suite, Max Simon publie dans les annales médico-psychologiques en 1876 un important mémoire « Imagination de la folie » portant sur les dessins, plans, description et costume des aliénés, dans lesquels il dégage des types de production en relation avec une maladie mentale donnée. En 1905, Rogues de Fursac reconnaît une valeur diagnostique au dessin. En 1907, M. Reja publie dans le Mercure de France un article « l’art chez les fous » illustré de dessins empruntés aux collections célèbres de l’époque. Parmi celles-ci, au niveau européen, celles de Hans Prinzhorn « imagerie de malades mentaux » et la monographie de Morgenthaler consacrée à l’un de ses malades Adolphe Wölfi à l’Asile de Waldau. Ces études représentent donc les analyses et élaborations princeps à la suite desquelles vont être développées les recherches en matière de psychopathologie de l’expression graphique et picturale.

 

05-SalleDe nombreux ateliers, poursuit le Dr Hugues Scharbach, seront ouverts dans les asiles d’aliénés d’abord, puis dans les hôpitaux psychiatriques, parmi lesquels celui de Toulon, celui du Vinatier à Bron, et bien sûr celui de la clinique des maladies mentales et de l’encéphale à Sainte Anne au niveau duquel le Dr Claude Wiard œuvre pendant de longues années. « L’analyse des œuvres, la mise en relation avec la trajectoire personnelle des réalisateurs, traduit la richesse des interactions. Elle implique de mettre en exergue les liens tissés dans leur histoire et leur actualité, en sollicitant les capacités d’insight, ainsi que celles de représentation, et à faire émerger des aspects psychopathologiques singuliers. » Après avoir cité rapidement un certain nombres d’études réalisées, le Dr Hugues Scharbach explique qu’il va se centrer sur trois aspects concernant l’œuvre plastique dans ses rapports avec la psychopathologie : la genèse de l’activité artistique en lien avec la psychopathologie, l’apport de la conceptualisation psychanalytique dans la compréhension de cette genèse, l’approche des interrelations entre émotion, angoisse et inquiétante étrangeté, déréalisation suscitées par l’art, l’esthétisme et le fait culturel. On rappellera, dit il, le trouble de mémoire ressenti sur l’Acropole par Sigmund Freud, analysé notamment par Berger.

 

Le premier aspect : la genèse de l’activité artistique en lien avec la psychopathologie.

 

06-Jean-Dubuffet-1969Le Dr Hugues Scharbach rappelle l’époque où écrivains et peintres surréalistes et d’autres, cherchant à renouveler les formes de l’art, se sont intéressés aux perspectives nouvelles qu’offrait le développement de la psychologie, tandis que, par ailleurs, les productions de malades d’asiles de l’époque étaient portées à la connaissance d’un public encore restreint. Puis, dans les années 1950/1960, certains, dont Jean Dubuffet, voulurent établir des parentés entre « l’art des fous », l’art enfantin, l’art primitif, l’art brut. « Des peintres en recherche d’un renouvellement du style et des thématiques, notamment les surréalistes, voire les symbolistes, pensèrent pouvoir puiser dans cette sorte d’art fondamental, le postulat étant que les perturbations mentales pourraient faire émerger et révéler des forces de créativité jusque là enfouies », nous fait observer Hugues Scharbach. Ajoutant que la recherche de sensations pour stimuler les capacités de représentation allait servir de justification à des expériences – notamment avec le pop art de Andy Warhol – de drogues psychodysleptiques. « Des expérimentations de telles substances eurent lieu de façon contrôlée ponctuelle en milieu médical dans le service du Pr Delay et du Pr Deniker. »

 

07-MunchLe Dr Hugues Scharbach ajoute que l’on sait que « l’évolution vers une dimension addictive toxicomaniaque chronique stérilise la créativité, tandis que certains psychotiques présentant d’angoissants moments de dépersonnalisation peuvent avoir recours à des drogues pour essayer de ressentir de façon maîtrisée des états de moi différents. » Il rappelle le constat que la décompensation psychotique tend plutôt à stériliser les capacités créatrices alors que les processus de restauration peuvent amener une production littéraire ou plastique qui sert à éliminer le trop plein de jouissance psychique comme l’a décrit M. Walter à propos de Louis Wolfson, auteur de « le schizo et les langues » publié en français en 1970. C’est également ce que démontre, par ses écrits de paranoïaque, Schreiber dans sa jouissance narcissique, imaginaire. Le Dr Hugues Scharbach conclut : « le changement intervenu dans la technique et le contenu des toiles de Munch à la suite de son épisode psychotique à l’âge de 46 ans montre qu’après les soins, le peintre peut mieux maîtriser ses conflits intra-psychiques, en donner une traduction différente de celle, empreinte d’angoisse intense, qu’attestent des œuvres comme « le Cri » et « le Vampire ». »

 

Le second aspect : l’apport de la conceptualisation psychanalytique.

 

08-Sainte-AnneLe Dr Hugues Scharbach rappelle que dans « Malaise dans la civilisation », Freud considère l’art comme une tentative de retrait à l’écart des aléas du réel, et il range la jouissance esthétique parmi les techniques d’illusion : « hélas, la légère hypnose où l’art nous plonge est fugitive ; simplement retraite devant les dures nécessités de la vie, elle n’est point assez profonde pour nous faire oublier notre misère réelle. » Dans la dernière de ses « Cinq leçons sur la psychanalyse » (septembre 1909), Freud décrit les divers aboutissements du fantasme et « souligne le cas exceptionnel de l’artiste qui, tout en conservant ses fantasmes, fait usage de ses dons spéciaux pour établir avec le monde extérieur une relation indirecte », précise le Dr Hugues Scharbach. Lequel s’attarde sur « Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci » (1910) où Freud, à partir d’un rêve « un vautour ou un milan s’approche du berceau de l’enfant et introduit sa queue dans la bouche de l’enfant », établit un lien entre échec du refoulement et création artistique, et est « amené à concevoir l’œuvre d’art comme une substitution symbolique du fantasme. » Ce qui contribuera à conduire Freud « au concept de sublimation tel qu’il y ait détournement d’une énergie pulsionnelle vers un but non sexuel. »

 

Le Dr Hugues Scharbach poursuit avec les continuateurs de Freud. Mélanie Klein situe la dynamique créative en deçà du conflit œdipien, lui attribuant une origine plus archaïque en sorte que la création artistique vise à restaurer l’objet primitif fantasmatique endommagé. Sur l’objet extérieur sont projetés les fantasmes d’amour et de haine. Ainsi le peintre Ruth Kjar, dont l’œuvre a été étudiée par l’analyste kleinien K. Michaelis dans « L’espace vide », avait allégé son angoisse « en tentant de reconstituer sa mère et de la séparer. » Marion Milner (1969) a montré comment sa patiente Suzanne parvint à dessiner, le papier étant devenu pour elle comme un substitut de la mère idéale et compréhensive. « Les psychanalystes post-freudiens, d’une façon générale, soulignent le fait qu’au long des étapes maturatives du moi, l’acte créateur se dégage d’une relation symbiotique pour aboutir à une différenciation avec détachement dépressif. » D. Winnicott relie les aptitudes créatives à l’espace transitionnel. Françoise Dolto insiste sur la place du dessin dans la psychothérapie de l’enfant et sur la signification dynamique de l’image du corps qui s’implique dans l’expression graphique, sans nécessaire transposition afférente au schéma corporel.

 

Le troisième aspect : ce qui est suscité par l’œuvre.

 

09-Hans-Holbein-AmbassadeursLe Dr Hugues Scharbach aborde à présent la question de l’art, du point de vue de celui qui regarde l’œuvre ou la lit. Jacques Lacan, au chapitre « Qu’est ce qu’un tableau ? », fait entrer la peinture dans son champ d’exploration tout en insistant sur le fait qu’il n’envisage pas de faire la psychanalyse du peintre « toujours si glissante, si scabreuse et qui provoque toujours chez l’auditeur une réaction de pudeur. » Dans son Livre XI, illustré justement, nous dit le Dr Hugues Scharbach, d’un tableau en frontispice, celui des « Ambassadeurs » de Hans Holbein, Lacan insiste sur ce qui s’articule dans le champ scopique, entre deux termes qui jouent de façon antinomique : « Du côté des choses, il y a le regard, c’est à dire les choses me regardent, et cependant je les vois. C’est dans ce sens qu’il faut entendre la parole martelée dans l’Evangile. – Ils ont des yeux pour ne pas voir. Pour ne pas voir quoi ? – justement que les choses les regardent. » Le Dr Hugues Scharbach observe qu’à propos de cette subjectivité « et, pourrait-on dire de la dialectique spectateur-image ou œuvre, on peut reprendre son expression de « dompte-regard » dans la peinture, en sorte que celui qui regarde est toujours amené par la peinture à poser bas son regard. »

 

10-CraneLes sentiments esthétiques suscités sont universels. Leur essence narcissique fait oublier le négatif, notamment que la pulsion de mort est impliquée. « Si la puissance de l’illusion s’estompe et laisse le champ à l’aporie, l’inquiétante étrangeté va naître, suscitant l’angoisse ou une jouissance masochiste liée à la pulsion de mort. » L’écrivain, le peintre, ou le scénariste, qui veulent stimuler ou mystifier le lecteur, le spectateur, peuvent jouer entre les registres du réalisme et de la fiction dispensée de l’épreuve de la réalité. « Si le jeu est subtil et n’avive que de façon contrôlée les retours du refoulé et l’angoisse de mort, le lecteur ou le spectateur trouvent un plaisir positif jubilatoire de la liberté ainsi prise, en tirant partie de la maîtrise de l’angoisse sur un mode symbolisé, comme dans le jeu du fort-da. » La technique, poursuit le Dr Hugues Scharbach, est mise au service du brouillage des repères perceptifs et par là même des limites imaginaire-réel. En rétablissant l’épreuve de la réalité, le spectateur se rassure sur son existant, sur son identité qui s’en trouve renforcée. « La technique peut aller, pour le visuel, du miroir cylindrique dans l’anamorphose (on évoquera la référence au tableau des ambassadeurs d’Holbein par Lacan) aux effets spéciaux dans l’art cinématographique. »

 

11-Metamorphose-NarcisseLe Dr Hugues Scharbach évoque ensuite le mythe de Narcisse (selon Ovide et selon Pausanias) qui, en contemplant son propre reflet à la fontaine de Thespies, ignore la relation entre l’original et le reflet. « L’inquiétante étrangeté naît de la perte ou de la non reconnaissance du reflet avec, dans le même temps, découverte du double, avec la confusion moi / non moi et la non délimitation dehors-dedans. » Pour Kristeva, précise notre conférencier, Narcisse amoureux cache Narcisse suicidaire. « Avec le thème du double et la reproduction du semblable, nous sommes au cœur même du mécanisme de répétition et des conduites sous la dépendance de la pulsion de mort : mort par extinction des tensions lorsque Narcisse se dessèche au bord de la source et se transforme en fleur mortuaire, rage narcissique, violence, autodestruction lorsqu’il se jette dans la source. » Le Dr Hugues Scharbach pointe également dans la longue suite d’autoportraits de Van Gogh, un contrôle par le peintre, par ce moyen, de l’intégrité de son être.

 

12-Acropole-1904Il note, à propos du choc esthétique, le « syndrome de Stendhal », syndrome d’effroi du beau, décrit par un psychiatre de Florence, G. Magherini, eu égard au nombre de touristes présentant des manifestations psychopathologiques lors de la visite de cette ville hautement culturelle et artistique. Dans le même ordre d’idée, il y a la fameuse lettre à Romain Rolland dans laquelle Sigmund Freud relate un voyage à Athènes avec son jeune frère Alexandre, et évoque un moment d’inquiétante étrangeté alors qu’il se tenait sur l’Acropole et que son regard embrassait le paysage : « il me vint tout d’un coup la pensée remarquable : donc tout cela existe effectivement ainsi, comme nous l’avons appris à l’école. Pour le décrire plus précisément, la personne qui fit l’énoncé se distingua, d’une manière beaucoup plus tranchée qu’habituellement on ne le remarque, d’une autre qui perçut cet énoncé, et les deux furent étonnés que ce ne fut pas la même chose. » Les explications données à propos de cette sensation de dédoublement sont multiples. Bergeret, nous dit Hugues Scharbach, indique un clivage entre deux niveaux de mémoire : celui que ce qu’il voit est conforme à ce qu’il a appris, celui qu’il a douté de parvenir en ce lieu, ayant eu des difficultés à embarquer à Trieste sans passeport.

 

Le Dr Hugues Scharbach s’intéresse également aux regards dans la peinture. Depuis le regard de la Joconde jusqu’aux yeux vides sans pupille des schizophrènes.

 

La créativité. Le Dr Hugues Scharbach en donne la définition suivante : « la créativité suppose la mise en œuvre d’un processus mental tel qu’une poussée – qui est une des traductions de Trieb – (pulsionnelle) puisse être transformée et entraîne par ce fait une mobilisation des associations, un jeu des liaisons inhabituel entre les représentations, une activation des fantasmes amenant à la mise en forme d’un produit nouveau entretenant des connexions originales avec l’existant, culturellement intégré et reconnu, constituant un apport positif pour le développement d’un individu dont elle peut transcender les capacités habituelles d’élaboration, un enrichissement d’une collectivité, voire un progrès pour l’humanité. » Le produit résultant de la dynamique créatrice peut être artistique – œuvre picturale, littéraire, architecturale… ou se situer comme avancée dans la recherche. La problématique de l’absence est centrale dans l’avènement de la mentalisation, support de la créativité : le bébé hallucine la réalisation de la satisfaction, se met en place l’espace potentiel, la fonction du rêve qui aida Poincaré dans ses recherches mathématiques, les processus fantasmatiques. « La création, stimulée par la fonction créative, vise à surmonter la séparation et à restaurer ce qui a pu être endommagé ou détruit par la fantasmatique agressive, ou plus primitivement ou régressivement de violence. »

 

Le Dr Hugues Scharbach conclut sur la thérapie : « il conviendra de libérer des structures de personnalité pathologiques et rigides, comme le souligne Masud Khan, « les souvenirs des relations d’objet primitives, ainsi que les affects étranglés et les processus psychiques qui, au départ, étaient libres et créatifs. » »

 

« Art et création chez Rimbaud » : l’auteur de cette seconde communication de la matinée est le Pr Gérard Pirlot, professeur de psychopathologie psychanalytique à l’Université Toulouse II, psychanalyste membre de la Société Psychanalytique de Paris, ancien Psychiatre des Hôpitaux, directeur du Laboratoire Cliniques Psychopathologiques et Interculturelles à Toulouse II, membre du comité de lecture de la revue Psy Cause. Il communique au château de Rochegude pour la troisième année consécutive.

 

13-PirlotIl introduit son propos par une référence à Antonin Artaud qu’il convient de lire pour comprendre la souffrance psychotique. L’acte de création fut pour cet écrivain une « tentative de ressaisi. » Une recension serait à faire, celle du nombre des créateurs touchés par un deuil. L’œuvre créatrice serait pour eux une ectopie psychique qui donne un contenu là où il y a du vide. Sigmund Freud pensait s’en tirer avec le concept de sublimation mais nous allons voir que l’acte de création est plus complexe que cela.

 

Rimbaud était un poète de génie doté d’une grande culture puisqu’il avait une connaissance remarquable du latin, capable d’écrire des poésies dans cette langue lorsqu’il avait 13/14 ans. Sa capacité de création surgissait donc sur beaucoup de travail pour acquérir un haut niveau de maîtrise technique. Dans une lettre écrite en 1871 à son professeur Izambard, il déclarait : « on ne devrait pas dire que je pense, mais on me pense ». Il poursuivait : « Je est un autre ». D’aucuns ont vu là une fulgurance géniale qui permet d’affirmer : « Rimbaud, c’est Freud et Lacan avant la lettre ». Le contexte affectif de cette lettre est celui de la colère, de la découverte de la vie dans ce qu’elle a de révoltant.

 

14-RimbaudLe manque a dominé la vie de Rimbaud qui ne cessera d’être à la recherche de père. Ce dernier est parti lorsque Rimbaud avait quatre ans. Verlaine était père pour ce gamin en manque. C’est lorsque Verlaine deviendra père que Rimbaud versera dans l’homosexualité. La relation fut violente car Rimbaud était très provocateur et destructeur. Le destin du poète était marqué par ce père qui a vécu en Afrique et qui a un peu pratiqué la langue arabe. Lorsque Rimbaud arrêtera en 1875 la poésie pour partir en Afrique, ce sera sur les traces du père.

 

Le clivage ne cesse d’habiter la vie de Rimbaud, jusqu’à sa mort précoce. Jusqu’à l’âge de 21 ans, Rimbaud se tourne vers la création poétique. A t’elle pu soulager une souffrance, diminuer ses symptômes ? Il quitte la poésie mais est rattrapé par un cancer du genou à l’âge de 35 ans. Pierre Marty, fondateur de l’école de psychosomatique, considère qu’il peut survenir des créations sur des faisceaux parallèles clivés du fonctionnement psychique. Le jour où Rimbaud cesse de créer, le clivage est toujours à l’œuvre. Il est bien possible qu’il soit responsable de la décompensation somatique.

 

Alors lorsqu’il dit « on me pense » et « je est un autre », il a bien découvert une vérité énorme de l’ordre de l’inconscient qui le place dans l’avant garde, renverse avant Freud le cogito ergo sum de Descartes. Mais ce n’est pas seulement cela. Il parle de l’absence du père qui le confronte à l’autre maternel. Il est tout simplement un adolescent qui n’en peut plus de la mère : « l’autre ne sera pas un je maternel ». Il est un ado qui se révolte contre le « on » social bien pensant (sa mère est bigote). « On me pense », c’est qu’il découvre qu’il est colonisé par l’autre et que le « je » est une illusion.

 

15-SalleLe Pr Gérard Pirlot nous fait observer qu’il y a un génie créatif chez les adolescents comme dans les états limites, avec un défaut de représentation et un excès de figurabilité. La fonction ectopique de la création, c’est « je mets une œuvre là où il y a du vide ». La création offre une possibilité de figurabilité de l’impensable.

 

Cette communication a fait l’objet de nombreux échanges charpentés tant en cours d’exposé que lors du temps de discussion, de deux connaisseurs et diplômés en lettres modernes, Mr Michel Bayle (trésorier de Psy Cause plus de 15 ans) et Mme Catherine Gras Bossuat, avec le Pr Gérard Pirlot.

 

Ces deux premières communications ont solidement posé un cadre conceptuel aux processus de création qui sont le thème du colloque. Après un temps de pause, est prévue une première communication de terrain : « clown et thérapie » qui ouvrira notre second volet.

 

Jean Paul Bossuat et Jean Louis Griguer

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3 Commentaires

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