Psy-Cause a été fondée en 1995 par Jean-Paul Bossuat, psychiatre des hôpitaux à Avignon, et Thierry Lavergne, psychiatre des hôpitaux à Aix en Provence, pour promouvoir la théorisation de la pratique de terrain en santé mentale, et contribue aujourd’hui à faire savoir les savoir-faire des psy du monde entier

Un courrier de la Grande Bibliothèque d’Alexandrie (Bibliotheca Alexandrina)

01-remise-revueL’un des temps forts du premier congrès organisé par Psy Cause hors de France, fut la remise solennelle à la Grande Bibliothèque d’Alexandrie, le 25 octobre 2003, de la collection complète de notre revue. Le N°33 (juillet août septembre 2003) a symbolisé ce geste (photo ci contre). Il était introduit par deux éditoriaux signés le premier par le Dr Jean Paul Bossuat, et le second par le Dr Thierry Lavergne. Le premier éditorial évoquait la nécessité de la transmission des pratiques soignantes d’une génération sur le départ alors que l’hôpital change. Le second éditorial parlait de liberté : «  La raison d’être de notre revue, c’est de croire que par la rencontre clinique et par l’échange entre partenaires du soin, on peut transcender le terrain. C’est de penser que l’effort théorique articulé à la praxis quotidienne permet de travailler l’accès à une liberté. » Ce don de la collection de la revue avait été couplé avec une conférence sur Hérophile, un grand médecin qui était venu dans la Bibliothèque d’Alexandrie sous Ptolémée II et qui a été cité par Freud dans la Traumdeutung comme le premier a avoir conçu que le rêve s’origine dans le désir. Depuis cet automne 2003 à Alexandrie, depuis 12 années, nous n’avons pas manqué d’offrir à cette institution mythique un exemplaire de Psy Cause à chaque nouvelle parution.

 

02-IncendieLa bibliothèque d’Alexandrie, fondée dans l’antiquité en 288 avant notre ère au cœur de la grande métropole grecque voulue par Alexandre en Egypte, fut la plus grande banque de données de l’époque avec 400 000 volumes à ses débuts et jusqu’à 700 000 volumes à l’époque de Jules César et de Cléopâtre. L’incendie, en 47 avant notre ère, de la bibliothèque d’Alexandrie est quasi mythique, paradigme de perte irrémédiable de la mémoire de l’humanité. Il aurait été accidentel lors des combats de l’armée de Jules César aux côtés de la reine Cléopâtre, mais la destruction ne fut que partielle : 40 000 ouvrages stockés dans un entrepôt attenant auraient brulé. César dépouilla alors la bibliothèque de Pergame (sur l’actuelle côte turque de la mer Egée) de 200 000 ouvrages transférés d’autorité à Alexandrie. Il est en fait quasiment impossible d’attester une destruction totale des livres de la bibliothèque qui cependant revient de façon récurrente dans diverses circonstances.

 

Ainsi l’édit de Théodose en 391 établit le christianisme comme religion d’état et ordonna la fermeture des temples païens, par ailleurs, dans la vallée du Nil, derniers lieux de conservation de la culture pharaonique et de la connaissance des hiéroglyphes. De graves troubles éclatèrent alors à Alexandrie dont rendit compte le poète Gérard de Nerval : « la bibliothèque d’Alexandrie et le Sérapéon (…) avaient été brûlés et détruits au IVème siècle par les chrétiens, qui, en outre, massacrèrent dans les rues la célèbre Hypathie, philosophe pythagoricienne. » Mais, si la destruction du Sérapeon est bien attestée, aucun témoignage de l’époque n’évoque la bibliothèque.

 

La conquête arabe ne serait pas en reste. Selon des historiens arabes du Moyen Age, le calife aurait ordonné en 642 à son général de détruire la bibliothèque. Il lui aurait dit : « Pour les livres dont tu parles, s’il s’y trouve quelque chose qui soit conforme au livre de Dieu (le Coran), le livre de Dieu nous permet de nous en passer ; s’il s’y trouve quelque chose qui y soit contraire, ils sont sans utilité ; procède donc à leur destruction. » (Ibn al Kifti, Histoire des savants, 1227). Ces exemples (en 391 et en 642) témoignent des dégâts de l’intolérance et de l’étroitesse de pensée vis à vis de la connaissance et de la littérature. Le meilleur et le pire se côtoient dans toute organisation humaine : les moines copistes côtoient les autodafés de l’inquisition, la civilisation arabe qui transmit à l’Occident la culture antique côtoie les destructions de Palmyre et des bibliothèques de Tombouctou.

 

Certains historiens affirment que la bibliothèque d’Alexandrie avait déjà disparu lors de la conquête arabe. On pense aujourd’hui que les difficultés de l’économie d’Alexandrie avec la perte des budgets nécessaires à la conservation des volumes, et le manque d’intérêt local pour ce qu’ils représentaient, ont pu faire autant qu’une destruction active. À un certain moment, la civilisation aurait eu d’autres priorités en Egypte. Une chose est certaine : lorsqu’il fut décidé de reconstruire une grande bibliothèque à Alexandrie, son emplacement même avait été perdu. L’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie serait également une métaphore de la mort : ne dit on pas que lorsque décède un grand savant, la destruction de son cerveau est une bibliothèque qui brûle.

 

03-AlexandreLe site de la Nouvelle Bibliothèque d’Alexandrie www.bibalex.org  annonce: « la Nouvelle Bibliothèque d’Alexandrie, la Bibliotheca Alexandrina aspire à faire revivre l’esprit de son ancêtre. Elle est plus qu’une simple bibliothèque. Elle est destinée à être un centre d’excellence pour la production et la diffusion du savoir ainsi qu’un lieu de dialogue et d’échange entre les peuples et les cultures. La Bibliotheca Alexandrina se veut une fenêtre du monde sur l’Egypte, une fenêtre de l’Egypte sur le monde, une institution pionnière pour relever les défis de l’ère du numérique et, avant tout, un centre de tolérance et de dialogue entre les peuples 04-Bibliothequeet les civilisations. »

 

Le bâtiment évoque un disque solaire qui émerge de terre et fait face à la mer. En partie enterré et mesurant au total 160 mètres de haut, il se drape d’une muraille – en granit d’Assouan – en forme de demi-lune sur laquelle ont été gravées des lettres de l’alphabet de 120 langues. L’édifice symbolise l’ouverture et l’immensité du savoir. Notre venue en ce lieu, le 25 octobre 2003, se déroulait tout juste une année après son inauguration le 16 octobre 2002.

 

05-LettreCe 16 décembre 2015, comme chaque année, nous recevons à notre siège social avignonnais, un courrier en provenance de la Bibliotheca Alexandrina. Il a mis un mois à nous parvenir : c’est un beau support papier et non un courriel dématérialisé. Tout un symbole à l’ère du numérique. Il est comme les écrits avec de beaux hiéroglyphes sur la pierre d’éternité des temples antiques dont la contemplation met le lecteur en contact direct avec la main du scribe au travers des millénaires, qui nous fait toucher la matérialité du temps qui fait défaut à notre époque. Il est la justification de notre revue papier sans la matérialité de laquelle, l’auteur d’un article qui se présente devant un jury même avec un simple PDF, n’aurait pas la même crédibilité. Les Egyptiens anciens l’avaient compris lorsque dans les pyramides, ils ont éprouvé le besoin de graver sur les murs des salles funéraires leurs textes religieux et de ne plus se contenter de récitations même si elles étaient lues sur des papyrus. De nos jours, la numérisation des ouvrages des bibliothèques est, de surcroit, un moyen de conserver pour l’éternité, en un lieu caché, de précieux supports matériels. Ce courrier reçu d’Alexandrie, nous en donnons ci contre la version numérique et en conservons précieusement le support.

 

Il nous remercie du don, poursuivi à ce jour, de la revue Psy Cause. Il ajoute : « Vous êtes toujours le bienvenu pour visiter la bibliothèque et profiter de ses services et ses collections. Je voudrais également vous inviter à visiter le site web de la Bibliothèque d’Alexandrie qui est www.bibalex.org. Vous y trouverez plus d’information à propos de nos services, ainsi que des événements qui se déroulent au sein de la Bibliotheca Alexandrina. » Ce courrier est une invitation à revenir à Alexandrie, au delà de la visite virtuelle par le site. Nous avons ainsi une autre justification, celle du voyage en vue de la rencontre sur le terrain pour des échanges « au delà du virtuel » qui sont la troisième composante de Psy Cause (la revue papier, le site, le voyage).

 

Jean Paul Bossuat

Écrire les chiffres et les lettres apparus ci-dessous, dans le rectangle en dessous