Psy-Cause a été fondée en 1995 par Jean-Paul Bossuat, psychiatre des hôpitaux à Avignon, et Thierry Lavergne, psychiatre des hôpitaux à Aix en Provence, pour promouvoir la théorisation de la pratique de terrain en santé mentale, et contribue aujourd’hui à faire savoir les savoir-faire des psy du monde entier

À paraître dans Psy Cause N°75 : regards sénégalais sur les « migrants »

Deux articles sénégalais traitent, dans ce numéro de la revue Psy Cause à paraître fin avril, de la question très actuelle des migrants, du point de vue du pays de départ. Ils mettent en évidence le traumatisme que ce phénomène migratoire peut engendrer dans les familles concernées.

 

Un deuil impossible

 

Le premier texte, dont l’auteur principal est le Pr Papa Lamine Faye, aborde la grande vague d’émigration clandestine de 2006 du Sénégal vers l’Europe, qui a confronté les familles à un vécu douloureux. Les départs ont cristallisé les espoirs des uns et des autres pour des lendemains meilleurs. Les enfants sont parfois partis avec la bénédiction de la famille. La mort a bien souvent été au rendez vous. Les psychiatres sénégalais auteurs de cet article constatent : « Aujourd’hui, les mères endeuillées vivent cette perte sous le signe d’une culpabilité et d’un désespoir qui empruntent pour s’exprimer, le chemin du corps. Le masque dépressif semble imprégner leur souffrance alimentée par des questions sans réponse, des réponses qu’elles se sont souvent évertuées à rechercher auprès des guérisseurs traditionnels et qui rajoutent à la confusion et suscitent des vécus différents qui vont de l’espoir à la désillusion. Comment dans ce contexte, faire un deuil en l’absence de corps ? »

 

Le processus de deuil connaît en effet plusieurs entraves. La première d’entre elles est l’absence de corps : « Quelle attitude arborer quand un voisin vous jure la main sur le cœur que votre fils a été aperçu à la télé aux infos de 20h sur la chaîne Euronews dans le groupe des migrants repêchés au large des côtes espagnoles ? La quête désespérée de la bonne information incite à chercher des réponses vers les marabouts et toutes sortes de charlatans, détenteurs de secrets occultes et irrationnels. Cette mère reçoit alors l’injonction de d’égorger un poulet et de verser le sang dans la mer au coucher du soleil. Ce voisin était formel avec la certitude que l’enfant va appeler le lendemain. » La réalité objective de la perte ne pourra jamais être prouvée dans cette situation.

 

La seconde entrave est le lien à la victime : « Les mères se sentent aujourd’hui perdues sans cet enfant qui représentait souvent la béquille sur laquelle elles se sont toujours appuyées. Il s’agit de l’enfant le plus valide, le plus déterminé, le plus travailleur en fusion avec elles au sein de la fratrie. » Elles ont cédé à un mirage : « Comment demeurer impassible à la volonté d’un fils qui partage son intention de partir vers l’eldorado européen pour sortir de la dèche quotidienne qui asphyxie sa famille ? »

 

La troisième entrave est la peur de l’avenir. Elle entretient l’espoir qu’un jour prochain, du côté de l’occident, surgira un coup de téléphone de ce digne fils, qui signera son « retour à la vie ».

 

Cet article, à lire absolument dans notre prochain numéro de Psy Cause, propose des solutions thérapeutiques à ces drames.

 

 

Se perdre entre deux cultures

 

Le second texte, dont l’auteur principal est le Dr Abou Sy, expose un cas clinique. Celui d’un fils hospitalisé dans le service de psychiatrie du CHU de Fann Dakar, à l’occasion de son retour de France au Sénégal. Ce fils avait suivi les tribulations de son père entre la France et le Sénégal. Sa décompensation psychotique est attribuée à « la perte de l’étayage culturel traditionnel qui aurait permis de compenser la pathologie du patient et les fragilités des parents. » Les auteurs font le constat que Le patient, bien qu’entre deux cultures, est livré à lui-même : «  il est marginalisé et ne bénéficie d’aucun avantage des deux. » Perdu à Dakar, il ne bénéficie ni des structures de soin françaises, ni du soutien culturel traditionnel.

 

Jean Paul Bossuat

 

 

 

 

 

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