Psy-Cause a été fondée en 1995 par Jean-Paul Bossuat, psychiatre des hôpitaux à Avignon, et Thierry Lavergne, psychiatre des hôpitaux à Aix en Provence, pour promouvoir la théorisation de la pratique de terrain en santé mentale, et contribue aujourd’hui à faire savoir les savoir-faire des psy du monde entier

La thérapie de Morita au Japon

1-Morita2-OkamotoNotre rédacteur japonais, Shigeyoshi Okamoto, entré au comité de rédaction francophone de Psy Cause en avril dernier, nous a communiqué un livre dont il est l’auteur intitulé « La thérapie de Morita inconnue ».(1) Il a étudié en France à l’hôpital psychiatrique Sainte Anne et à l’institut de psychosomatique de Paris en 1984 et 1985. Il est proche du courant phénoménologique français. Il enseigne comme professeur de psychologie clinique à l’université du Bouddhisme de Kyoto et exerce comme psychiatre praticien de la thérapie de Morita à l’hôpital Sansei dans cette même ville. Ce petit établissement est l’un des rares hôpitaux du Japon où l’on pratique exclusivement la thérapie de Morita, inspirée du Zen. Nous donnons ci-dessous quelques coups de projecteurs sur cette thérapie, extraits du livre de Shigeyoshi Okamoto.

Le directeur de cet hôpital spécialisé dans cette thérapie, le Dr Usa, écrit en 1984 : « Où est la lune ? Dans notre hôpital, nous donnons l’expérience de la guérison totale par l’acceptation de l’irrationalité de l’esprit « telle quelle », sans chercher à comprendre la cause du symptôme ni à étudier la thérapie. « L’état tel quel » peut s’appeler aussi « l’état sans aucune parole », et doit être finalement « le soi sans aucune norme ». Du fait que cet état même, sans aucune parole et sans aucune norme, peut être vu comme l’état de la guérison totale, il est possible d’y arriver ici et maintenant, sans aucune préparation. C’est-à-dire que la vie sans parole est toujours possible, car il suffit d’accueillir les idées contradictoires sans pour autant les rejeter, et de laisser passer un conflit intrapsychique à sens unique. » Il conclut : « À ce qu’il me paraît, il n’y a aucun espoir dans la psychanalyse, car, plus les psychanalystes et les patients essaient de comprendre intellectuellement l’esprit humain, plus ils s’éloignent du vrai. La psychothérapie de Morita est le plus sûr moyen de résoudre immédiatement la souffrance, grâce à l’abandon complet de la tentative d’analyser. »

La psychothérapie de Morita est une technique pour traiter des patients névrotiques, une technique basée sur le principe du Zen. Cette thérapie qui se fait en quatre étapes, est appliquée normalement sur des patients hospitalisés. Pendant la première étape, qui dure environ une semaine, les patients sont obligés de rester couchés nuit et jour sans rien dire, sans rien faire. La seule chose qu’on leur permette est de manger régulièrement. À partir de la deuxième étape, ils commencent peu à peu à travailler. La première étape de la thérapie est très semblable au Zazen, mais s’asseoir et se coucher diffèrent quelque peu l’un de l’autre. Le Zazen est considéré comme le commencement du travail : par contre, au cours de la première étape de cette thérapie, les patients couchés comme des bébés totalement impuissants, éprouvent la sensation de n’avoir aucun moyen de faire disparaître leurs symptômes. Être laissés à l’état de nourrisson amène naturellement les patients à la régression narcissique, tandis qu’exprimer par la parole ce qu’ils ressentent à l’intérieur d’eux-mêmes, y compris leurs expériences du passé, est tout à fait interdit. Cette régression narcissique n’est pas le but de la thérapie, mais un effet secondaire plus ou moins grave.

Selon la théorie de Morita, la personnalité névrotique se caractérise par une tendance à tout intellectualiser, par une préoccupation constante à n’importe quel sujet, surtout en ce qui concerne la condition psychique et physique (tendance hypochondriaque), par l’excès du désir de vivre, etc. Le patient névrotique souffre du conflit entre la dépendance et l’indépendance, et il joue lui-même deux rôles : le rôle du thérapeute qui essaie de le traiter et celui du patient qui souffre, le rôle des parents indulgents ou durs et celui de l’enfant qui veut être soigné.

Shoma Morita a établi sa psychothérapie vers1920 comme un traitement pour le « Shinkeishitsu » (constitution sujette aux conflits névrotiques), ainsi que pour la névrose, maladie symptomatique des conflits. Dans son enfance, Morita s’est pris d’horreur pour la mort, depuis qu’il avait vu des tableaux d’enfer dans un temple bouddhique. Dans son adolescence, il a alors souffert de symptômes névrotiques, hypocondriaques en particulier, mais c’est après ces expériences qu’il a compris l’importance d’accepter les symptômes tels qu’ils sont, et de réagir avec eux aux nécessités de la vie. Ce qui lui a permis, devenu psychiatre, d’inventer sa thérapie qui insiste sur l’importance de la pratique du travail quotidien.

L’essence de sa thérapie : c’est l’obéissance à la nature. Nous menons notre vie toujours en avant, par le désir de vivre, accordé par la nature. Ce désir de vivre nous incite au refus de la mort, et nous confronte aux souffrances dont le représentant est la peur de la mort. Quant au Shinkeishitsu, c’est une tendance à un cercle vicieux, qui fait qu’on double les souffrances du fait même qu’on poursuit d’une manière obsessionnelle le désir de vivre. Morita enseigne l’acceptation des symptômes et souffrances tels qu’ils sont.

En 1927, est créé par un disciple, l’hôpital Sansei, spécialisé dans cette thérapie qui nécessite une hospitalisation. Nous avons vu la première étape du traitement, le repos absolu. La seconde est une renaissance : le retour dans le monde extérieur en regardant une fleur de volubilis s’ouvrir. Au cours des deux premières étapes, le patient fait l’expérience d’une libération par le calme. Et dans la troisième et la quatrième étape, en abordant de front des travaux réels, il fait l’expérience de sa propre libération par l’activité. Les patients hospitalisés qui se livrent ensemble à divers travaux, s’enseignant et s’aidant mutuellement, se trouvent placés dans des rapports humains de groupe où chacun accomplit sa tâche tout en formant son humanité et en développant sa personnalité : c’est précisément cela l’éducation. Et en effet, Morita appréciait grandement la pédagogie de Maria Montessori, qui met l’accent sur la spontanéité des jeunes enfants. La guérison, dans la thérapie de Morita, c’est le pouvoir de vivre dans la société réelle.

Dans un courriel du 21 mars 2011, Shigeyoshi Okamoto nous a dit être intéressé par un séminaire à l’initiative de notre revue, lequel nécessite une préparation soigneuse et de la prudence. Selon notre partenaire Morgan Tours, ce serait un projet couteux (entre 2500 à 3000€ par participant). Mais si nous avons un nombre suffisant de professionnels intéressés, nous pouvons l’organiser. Merci alors de me contacter en cliquant en haut du blog sur « contact ».

Jean Paul Bossuat

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2 Commentaires

  1. Commentaire *
    je découvre la thérapie Morita et cela me paraît trés intéressant
    comment mieux connaître cette pratique ?
    Morita a-t-il écrit un livre ?

  2. Je découvre la Thérapie Morita et cela me paraît très intéressant
    Comment approfondir ce sujet ?
    Morita a-t-il écrit un livre ?
    MERCI pour votre réponse